L’audience démarre à 13h40. 1 journaliste présent dans la mezzanine qui leur est réservée. Une dizaine de personnes assistent aux audiences dans la partie publique. Aujourd’hui la salle du tribunal d’Epinal est peu remplie comme on peut le voir sur les écrans vidéo.

Question du président à M Michel Aubertel (MA) : Lors de la mise en route des filtres dynamiques, pouvait-il savoir si la mesure in vivo était en place pour le 1er patient. MA déclare avoir été présent lors de la 1er séance mais ne pas pouvoir savoir si la diode était en place, puisque du pupitre il ne voyait le patient que par le système de vidéo. Il lui était donc impossible de voir si la diode était en place. Il a bien « prescrit » la DIV au moment de la prescription de radiothérapie, mais ne peut  affirmer si elle a bien été réalisée.
 

Poursuite des questions autour de la disparition d’une feuille de relevé de matching :
Question de l’avocat de JA à MA. : Vous auriez déclaré (rapporté par une manipulatrice) « vous n’imaginez pas la situation, la pression… » MA ne se souvient pas de ces propos.
 

Avocat MA
Pourquoi la mesure in vivo n’était elle pas appliquée aux filtres en coins dynamiques. ?
MA décrit le processus de dosimétrie in vivo (DIV)  - en précisant qu’il n’est pas physicien – que dans le cas d’asymétrie les résultats peuvent présenter un écart plus important.

Appel de Mme Fanny Carbillet (FC)

Rappel des faits : FC a remplacé JA durant l’été 2005 (de mi-Juillet à début Août) , elle venait juste de finir sa formation de physicienne.
Lors de la signature de son contrat avec l’hôpital, elle avait bien précisé les limites de sa mission (remplacement d’un physicien durant ses congés). Sa prestation de physique médicale était limitée à des vacations par ½ journée.
Un « transfert de témoin » avec JA avait été fait dans de bonnes conditions, JA « restait joignable à tout moment,  bien qu’en congés il était sur place à Epinal ». Le peu de contact avec les médecins est aussi précisé.
Pour décrire l’ambiance dans l’équipe un exemple est pris : FC ne voulait pas valider une dosimétrie. Elle transfère l’information aux manipulateurs qui expriment la difficulté d’apporter des modifications. Les remarques de FC seront finalement prisent en compte.

Discussion autour d’une vérification sur un dossier de traitement demandé par MA à FC :

MA demande à FC de faire une vérification sur un dossier (version papier) dans son bureau. Ce dossier faisait l’objet d’une question du médecin correspondant au regard des effets de la radiothérapie sur le patient.
La discussion tourne autour des termes de cette demande ; est ce "juste un « coup d’œil » selon FC ou bien une » recherche approfondie » selon MA.
N’ayant rien trouvé de particulier sur ce dossier FC a cependant contacté un collègue plus expérimenté au Centre Alexis Vautrin pour discuter de ce dossier et avoir un avis technique. C’est un des rares souvenirs d’échange avec MA.
FC a effectué 9 vacations d’une demi journée durant l’été 2005.
Question du Président à FC : JA lui a t’il  fait part de ses difficultés d’obtenir des moyens humains et matériels à l’hôpital. Réponse de FC : « oui bien sûr, il se sentait seul ».

Question du Président à FC au sujet du matching :

En a t’elle discuté avec les internes présents dans le service ?
Oui avec Nicolas (Blanchard)
Pas de questions de la défense.
Question du Ministère Public : pendant ces 9 demi journée de vacations quelles incohérences sur le DIV FC a t elle trouvé ?
Contrairement au rapport de l’IGAS, FC déclare ne « pas avoir remis en route la DIV pour les champs avec filtres en coin dynamiques ». Durant ses vacations FC  a cependant relevé dans un fichier Excel les dossiers pour lesquels des écarts ont été constatés, information transmise à JA à son retour.

Intervention de l’avocat de la défense de JF Sztermer, durant cette période, JFS était en arrêt maladie (du 10 au 31 juillet) pour laisser entendre que l’ambiance de travail (pas bonne) observée par FC ne concernait pas JFS.

Fin des questions pour FC

 

Arrivée de Dr Sophie Delanian experte (radiothérapeute et radiopathologiste)

Madame le Dr Delanian présente son travail sur les possibilités de soigner les complications d’un traitement de radiothérapie. Pour cela elle décrit étape par étape :

·         Les différents niveaux de dose en RT

·         Historique des traitements (cobalt accélérateur….)

·         L’augmentation de la dose dans les traitements de RT

·         La notion de bénéfice risque, et l’absence de risque zéro.

Elle précise que le traitement des complications de la radiothérapie externe sont peu étudiées dans le monde, selon elle. Les complications sont souvent gérées par les spécialistes d’organes.

Question du président quant au suivi des patients :
Dr Delanian décrit que pour elle il existe deux systèmes : les centres de lutte contre le cancer qui sont « bien dotés » pour assurer le suivi, et les autres. La moitié des traitements ont lieu dans de petits centres (privés ou publics ), centres où il est peut-être plus difficile de s’assurer que le suivi est bien assuré.

Elle précise que la SFRO a récemment recommandé (par son président Bruno Chauvet –sic) un suivi durant 5 ans après une radiothérapie, cette recommandation va poser un problème sanitaire grave, quant à la disponibilité des médecins.

Le Dr Delanian décrit ensuite les différents moyens de traiter les complications (cortisone, antibiotique, oxygénation hyperbare, dérivation, cellules souches…)

Le président questionne sur les examens inutiles et dangereux qui ont pu être réalisés sur les patients d’Epinal par méconnaissance (biopsie, examen gastro). Réponse du Dr Delanian : « oui une biopsie peut aggraver des complications ».

Le président questionne sur les choix des médecins radiothérapeutes de ne pas avoir informé leurs patients des complications qui pourraient advenir. Le Dr Delanian  répond que cette attitude est pour elle conforme sur le plan médical, mais non conforme sur le plan éthique.

Le Dr Delanian  insiste sur le retard technologique de la France, un retard de 20 ans : « en France quand il y a 2 physiciens, il y en 40 au Danemark ».

 

Arrivée de Thierry Sarrazin (TS)

Physicien médical ; ancien président de la SFPM cité par la défense de JA

Après avoir prêté serment TS présente à la demande du président la situation de la physique médicale en France au moment des faits (350 physiciens contre 1200 en Allemagne et 800 au Royaume Uni à la même période). Le président demande pourquoi ? Selon TS c’était dû à une méconnaissance du risque par les institutions ou les dirigeants des centres de radiothérapie. La situation actuelle est meilleure du point de vue du nombre de physiciens, encore insuffisant.

Le Président rappelle qu’en matière de sécurité la radiothérapie s’inspire de l’aviation. TS répond que la différence principale c’est que le pilote est dans l’avion.

L’avocat de JA, rappelle qu’en 1999 moins de 10% des centres pratiquaient de la DIV et utilisaient un réseau de gestion des paramètres.
 

L’avocat général : les physiciens sont là pour assurer une « certaine » sécurité des dispositifs médicaux « dangereux » ?

TS répond en retraçant l’évolution de la législation, cite « le livre blanc » dans le lequel des constats et recommandations sont faits (généraliser l’utilisation de la DIV et des réseaux de gestion et contrôle des paramètres, 10% des centres peuvent mettre en place de nouvelles techniques, absence de registre du cancer, et registre des complications).
TS précise que les textes législatifs imposaient un physicien, mais le nombre de physiciens n’était pas corrélé au nombre de machines ni de patients.

TS questionné sur le passage aux filtres dynamiques relate son expérience négative dans sa pratique. « Je n’aime pas les filtres en coin ».

Sur la base de son expérience l’avocat général demande à TS le rôle du physicien par rapport au radiothérapeute. TS répond chacun de nous est responsable de tous vis-à-vis du patient. Il rappelle seulement 10 % de services de physique médicale actuellement.

Ensuite il y a une discussion autour de comment est créé un poste (Avocat JA). TS répond c’est un arbitrage alors intervient l’avocat de la directrice CH Epinal, elle interviendra elle-même un tout petit peu plus tard, pour dire qu’elle relayait les demandes des services et que la décision revenait à la tutelle (ARH), ici la tutelle n’a pas répondu à la demande du CH de création d’un poste de physicien.

L’avocat de MA demande à TS qui est responsable de la formation des manipulateurs, sans hésiter TS répond le cadre de santé.

Arrivée de Dominique Le Du (DLD) cité par la défense de JA

Physicien médical ; ancien président de la SFPM

Le président demande ce que l’accident d’Epinal a changé sur le plan organisationnel, la position du physicien médical. DLD répond l’augmentation du nombre de physiciens, les contraintes réglementaires, la déclaration des événements indésirables. DLD parle d’une fracture et d’un avant et après Epinal. La sécurité des traitements a toujours été au centre des préoccupations elle a pu être renforcée par l’augmentation du nombre de physiciens.
La position du physicien n’a pas changé, aujourd’hui la position du physicien est nécessaire mais pas légitimée actuellement dit DLD. Sur le plan organisationnel c’est un peu plus compliqué. Pour DLD l’organisation doit faciliter tout ce qui permet à chaque professionnel d’exercer dans de bonnes conditions.

Ainsi par exemple le calculateur calculait correctement. Si il y a un problème de calcul, c’est le physicien qui est responsable, à Epinal c’est l’équipe qui est responsable car il existait des problèmes d’organisation. DLD dit que la responsabilité d’équipe est là et que le physicien n’est pas seul responsable.

L’avocat général intervient pour dire qu’il s’agit d’une équipe multidisciplinaire travaillant pour le bien du patient ayant des compétences complémentaires pour l’objectif final.

L’avocat de MA questionne DLD sur la notion d’arbitrage radiothérapeute/physicien. DLD met en avant l’autonomie du physicien.

Le dernier témoin de la journée est Anthony Gres (AG) cité par la défense de JA. Le président demande à AG de citer son vécu professionnel, dans la mesure où il a commencé sa carrière après Epinal. AG décrit le service de radiothérapie (moyens humains et matériels, activité,..). AG confirme la sécurité de travailler dans une équipe de plusieurs physiciens, avec DIV, double calcul des UM, R&V,…

Sur une question du président concernant l’autonomie, l’indépendance physicien médical par rapport au radiothérapeute, AG dit que la parole du physicien n’est pas entendue dans son expérience.

AG ensuite raconte son histoire, il a été licencié pour avoir refusé de calculer un plan RCMI dans un délai trop court (4 jours avant traitement). Ce refus motivé par la faible expérience (6 mois) de son centre en RCMI. Le licenciement a été rejeté par le tribunal administratif et AG a été réintégré dans le service de radiothérapie. AG répond à une question de l’avocat général que le retour dans le service s’est bien passé au niveau relationnel, il a eu le soutien et les témoignages de tous les membres de l’équipe. Ses problèmes sont avec l’administration dit-il.

La dernière question à AG est posée par l’avocat de JA. Pendant vos études Epinal a-t-il été évoqué ?. Oui avec des cours sur la gestion des risques, sur les incidents.

Fin de l’audience 19h.