Source : APM

 

PARIS, 22 février 2012 (APM) - Les sept personnes mises en cause dans l'affaire des surirradiés de l'hôpital d'Epinal devraient comparaître à partir du 24 septembre devant le Tribunal correctionnel de Paris, a-t-on appris mercredi auprès de l'association des victimes.

Le procès, qui devrait revenir à la 31ème chambre correctionnelle, pourrait durer entre cinq et six semaines, à raison de trois audiences hebdomadaires les lundi, mardi et mercredi, a indiqué à l'APM son président, Philippe Stäbler, citant l'avocat de l'Association des victimes des surirradiations à l'hôpital d'Epinal (AVSHE), Me Gérard Welzer.

Toutefois, la date du procès n'est pas encore formellement fixée, et devrait l'être définitivement lors d'une audience de fixation prévue fin juin, a-t-on appris de source compétente.

Joint par l'APM mercredi, le parquet de Paris n'était pas en mesure de confirmer la date du procès.

Dans ce dossier, les deux juges d'instruction du pôle santé du TGI de Paris ont partiellement suivi les réquisitions du parquet dans leur ordonnance rendue fin décembre 2011 (cf APM SNPA5004 et APM SNOLC001).

Deux anciens radiothérapeutes, les Drs Michel Aubertel et Jean-François Sztermer et l'ancien radiophysicien de l'établissement, Joshua Anah, ont été renvoyés pour homicide involontaire, omission de porter secours et obstacle à la manifestation de la vérité pour des faits commis entre 2001 et 2007.

Le directeur de l'ancienne Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Lorraine, Jacques Sans, la directrice de l'ancienne direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) des Vosges, Francette Meynard, l'ex-directrice de l'hôpital d'Epinal, Dominique Cappelli, et l'hôpital en tant que personne morale, sont quant à eux renvoyés pour omission de porter secours en s'abstenant d'informer utilement les patients entre 2005 et 2006.

L'affaire a éclaté en octobre 2006, lorsque l'ARH a révélé la découverte en juillet 2005 d'une erreur dans l'utilisation d'un logiciel et de paramétrage d'un appareil utilisé en radiothérapie à Epinal. L'erreur avait causé la surirradiation d'une vingtaine de patients traités entre mai 2004 et mai 2005 pour un cancer de la prostate, et entraîné le décès de l'un d'entre eux.

La procédure a été dépaysée d'Epinal à Paris en mai 2007 à la demande du parquet d'Epinal compte tenu de l'ampleur du dossier, révélée en mars 2007 par un rapport d'enquête conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et les conclusions de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur le nombre de patients potentiellement surirradiés.

Au total, environ 5.000 anciens patients du service de radiothérapie du centre hospitalier (CH) d'Epinal ont été surirradiés entre 1989 et 2006 à des taux compris entre 2% et 20%, dont plus de 700 à un taux supérieur à 7%, rappelle-t-on.

421 PATIENTS ET PRES DE 180 PARTIES CIVILES

La procédure ne concerne que deux groupes de patients soignés par radiothérapie conformationnelle pour un cancer de la prostate, l'un des 24 ("cohorte 1") traités entre mai 2004 et mai 2005, l'autre de 421 ("cohorte 2", incluant les 24 de la cohorte 1) entre 2001 et fin 2006.

Les 24 personnes de la première cohorte (dont une dizaine est décédée depuis), a reçu une irradiation d'environ 20% supérieure à la dose prescrite en raison de la mauvaise manipulation du logiciel de dosimétrie au regard des filtres ("coins") utilisés pour absorber le rayonnement périphérique inutile avant sa pénétration dans le corps du patient.

Un lien de causalité directe entre la surirradiation et les dommages subis a été identifié par les experts pour l'ensemble des patients dont six des décès.

L'instruction a mis en évidence une impréparation fautive, improvisée et non sécurisée du passage de la technique des "coins" statiques à celle des "coins" dynamiques. L'ensemble des intervenants n'étaient ainsi pas formés à l'utilisation des nouveaux filtres, qui présentent de nombreux avantages mais dont le moindre degré d'absorption nécessitait un paramétrage spécifique de l'appareil.

Les patients de l'autre cohorte ont reçu une dose en excès d'environ 6 Grays, soit une surirradiation de 8% à 10%, provenant de la non-prise en compte des radiations supplémentaires résultant des contrôles radiologiques ("matchings"), destinés à vérifier le bon positionnement du patient et effectués avant chaque séance de radiothérapie.

Les juges n'ont pas inclus la cohorte découverte en septembre 2007, comptant plus de 4.000 patients traités pour un cancer, surexposés lors de séances de radiothérapie conventionnelle, dont 300 à des doses jugées trop importantes, entre 1989 et 2000 (cf APM SNKI6003).

Près de 180 patients ou familles de patients décédés se sont constitués parties civiles dans le dossier, a indiqué à l'APM le président de l'AVSHE. La Société hospitalière d'assurances mutuelles (Sham) aurait déjà versé 14 millions d'euros d'indemnités à des patients victimes de surexpositions, selon lui.