Source : APM

 

PARIS, 10 septembre 2008 (APM) - Le collège d'experts qui évalue les séquelles des patients fortement surirradiés à l'hôpital d'Epinal en vue d'une indemnisation, qui a commencé à travailler cet été, a rendu 21 premiers rapports, et les premières indemnisations complètes devraient être versées d'ici la fin de l'année, a-t-on appris mercredi.

 

A l'occasion des Entretiens de Bichat à Paris, une session a été consacrée aux surirradiations à l'hôpital d'Epinal et à la gestion de cette crise sanitaire.

 

En matière d'indemnisation, les 24 patients de la première cohorte découverte, qui avaient été fortement surirradiés, ont tous reçu une indemnisation de la Sham. Pour les autres patients, parmi les plus de 5.000 patients qui ont subi des surexpositions, seuls ceux qui ont reçu un surdosage supérieur à 7% sont éligibles à une indemnisation.

 

"L'hôpital d'Epinal a envoyé un formulaire de demande d'indemnisation à 581 patients. Il a actuellement reçu 420 demandes et 415 ont été transmises aux experts", a indiqué Pierre Ollier, président du comité de suivi et d'indemnisation des patients surirradiés à Epinal.

 

Ce comité de suivi, qui regroupe notamment les associations de victimes et les assureurs, s'est entouré d'un collège d'experts. Présidé par Marie-Hélène Bernard, spécialiste de médecine légale et expert auprès de la cour d'appel de Reims, le comité de suivi comprend deux radiothérapeutes, un médecin représentant les victimes, deux médecins représentant les assureurs et un médecin représentant l'Oniam.

 

Ce collège d'experts a déjà tenu quatre réunions et 21 rapports d'expertises ont été rendus durant l'été.

 

Une fois les rapports rendus, les patients ont un mois pour les contester (cinq l'ont fait, sur des détails ou de façon plus profonde), puis l'assureur, en l'occurrence la Sham, dispose d'un délai de quatre mois pour traiter le dossier. "Les premières indemnisations devraient être versées en fin d'année 2008", espère Pierre Ollier.

 

Mais plus de 300 patients ont déjà reçu des indemnisations partielles en urgence, a rappelé Dominique Martin, directeur de l'Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux).

 

Fin 2007, suite à des tensions entre les victimes et les assureurs, le ministère de la santé a "voulu organiser une réponse rapide" aux demandes d'indemnisation et a donné instruction à l'Oniam de verser une provision de 10.000 euros aux victimes qui en faisaient la demande et présentaient une surirradiation supérieure à 7% ainsi que des séquelles. L'Oniam a fait 360 versements -qu'il doit ensuite récupérer auprès de l'assureur.

 

Par la suite, la Sham a versé en juin une provision supplémentaire de 5.000 euros à 293 patients, qui ont donc reçu pour le moment un total de 15.000 euros.

 

Lors de la discussion, le Pr François Guillemin, directeur du centre anticancéreux Alexis-Vautrin de Nancy, a souligné le fait que l'indemnisation n'est pas tout et qu'une prise en charge "compliquée" des patients doit être mise en oeuvre.

 

Il y a d'abord une prise en compte des besoins médicaux, qui sont "facilement identifiés", mais ensuite viennent les besoins en termes de soutien psychologique, pour cette population qui est malade et âgée, puis la prise en charge sociale et enfin la question de l'assistance juridique auxquelles il faut penser.

 

PLUS DE 5.400 PATIENTS SURIRRADIES

 

Au début de la réunion, le Dr Jean-Marc Simon de la Pitié-Salpêtrière, qui a été chargé notamment de l'identification de tous les patients surirradiés, a rappelé mercredi que ce sont plus de 5.400 patients qui ont subi des surexpositions, à des degrés divers.

 

Le drame d'Epinal a débuté avec la découverte de 24 patients souffrant de cancer de la prostate qui ont reçu des surdosages très importants, de 20% à 30%, en raison d'une erreur de calcul de dose liée à une erreur de saisie dans un nouveau logiciel pour utiliser une nouvelle technique de modulation d'intensité du faisceau. C'est la cohorte 1, dans laquelle les patients sont très atteints et six sont décédés, dont cinq de complications.

 

L'enquête qui a suivi la découverte -tardive- de ces cas a conduit à découvrir une deuxième cohorte de 409 patients traités de 2000 à 2006 qui ont reçu des surdoses d'irradiation de 8% à 10%. Ces patients étaient traités par radiothérapie conformationelle et l'erreur vient de ce qu'avant chaque séance, un contrôle de repositionnement du patient était fait avec un système d'imagerie portale, ce qui a entraîné l'augmentation de l'irradiation totale.

 

Mais, après la mise en place d'un numéro vert, se sont manifestés des patients qui présentaient des complications mais ne faisaient pas partie des deux premières cohortes. Une analyse des dossiers a fait apparaître une erreur de calcul de dose qui a perduré pendant une longue période: elle a débuté en 1987 et a n'a été corrigée qu'en 2000.

 

Cette erreur, qui concerne différents cancers, conduisait à augmenter la dose à chaque séance. Elle aurait pu être corrigée en 1995 lors de l'introduction de la dosimétrie in vivo mais les responsables ont estimé que les différences observées entre les valeurs lues en dosimétrie et les valeurs calculées étaient imputables au paramétrage des dosimètres, et l'erreur a perduré. Ce sont environ 5.000 patients qui ont reçu des surirradiations, à des niveaux variables: 1.100 ont reçu 3% en plus, ce qui ne les expose pas à un risque de séquelles, 3.600 ont eu des surirradiations de 5,5% et 300 de 7,1%.

 

Enfin, deux petits groupes supplémentaires (les cohortes 4 et 5) ont encore été découverts, avec des surirradiations importantes: huit cancers du sein en 1993 en raison d'une erreur de calcul et 37 patients en 1999 lors d'un problème de technique, donnant lieu à neuf complications cardiaques graves.