Source : APM

 

PARIS, 23 janvier 2009 (APM) - La radiothérapie du secteur privé libéral a été oubliée du Plan cancer, a déploré le président du Syndicat national des radiothérapeutes oncologues (SNRO), lors des rencontres 2009 de la cancérologie libérale et hospitalière privée organisées vendredi à Paris.

"Au moment où on prépare un nouveau plan, les structures font le bilan et s'inquiètent fortement de la suite qui va être donnée", a indiqué le Dr Bernard Couderc, président de l'Union nationale hospitalière privée de cancérologie (UNHPC), en introduction de la journée. Il a cité un certain nombre d'inquiétudes soulevées par ses adhérents notamment sur l'oubli du privé dans les grandes concertations nationales, le retard pris sur le problème de la démographie ou les systèmes de rémunération différents.

"En radiothérapie, il y a des choses positives mais la lenteur de mise en place et surtout la lenteur des discussions tarifaires pour le secteur libéral ne permet pas de se réjouir", a indiqué le Dr Denis Franck (Toulouse), président du SNRO.

"Il existe le principe de liberté de choix en France entre le public et le privé, mais la différence de financement qui empêche le secteur privé d'investir altère cette liberté", a regretté le radiothérapeute.

Le secteur privé et libéral prend en charge 60% des patients traités par radiothérapie, mais il est rémunéré 1,8 fois moins bien que le public (comparaison entre les GHS du public et les honoraires du privé).

Il a critiqué l'affichage fait pour des techniques "pseudo-innovantes" comme le Cyberknife* et la tomothérapie alors qu'il faudrait d'abord faire progresser la radiothérapie standard qui concerne 95% des patients.

La radiothérapie conformationnelle avec modulation d'intensité (IMRT) qui diminue les complications pour les patients, est en routine depuis plus de 10 ans dans d'autres pays, alors qu'en France, elle n'est toujours pas remboursée. D'après l'observatoire de la radiothérapie, 0,8% des patients seulement en bénéficient sur 200.000 traitements, soit 1.393 patients, a-t-il cité.

"Dans la Classification commune des actes médicaux (CCAM), il y a une ligne pour l'IMRT mais avec une valorisation nulle. Or cela demande des investissements en matériel et en temps physicien."

De même, seuls 12% des patients bénéficient de l'imagerie embarquée, qui est pourtant un facteur discriminant d'une radiothérapie de qualité. Cela nécessite 500.000 euros par appareil, un montant que peut assumer un gros centre qui traite 3.300 patients par an mais pas la plupart des centres libéraux qui répondent pourtant à une offre de proximité, a poursuivi le président du SNRO.

"Est-il normal de travailler à perte quand on veut faire de la qualité? Cela fait des années que ça dure et il n'y a toujours rien en face. Dans notre groupe, nous avons mis en place l'IMRT depuis six ans et plusieurs centaines de patients en ont bénéficié. Et pourtant, dans certains cas, faire de l'IMRT rapporte moins que la radiothérapie conformationnelle, notamment pour l'ORL. On améliore la qualité et on nous diminue les ressources", a-t-il dénoncé.

Le Dr Franck a rappelé que les problèmes de personnel, qui deviennent aigus en ce moment, ont été décrits il y a 15 ans dans un livre blanc rédigé par la profession et remis aux tutelles de l'époque. "Nous parlions déjà des accidents de radiothérapie à prévenir par la mise en oeuvre d'un contrôle de la qualité, mais nous n'avons pas été entendus. Il a fallu attendre les accidents dont celui d'Epinal pour prendre des décisions".

Le spécialiste a aussi mentionné le "mille-feuilles réglementaire" qui comprend des mesures inadaptées comme le fait d'exiger la présence d'un physicien pendant tout le déroulement du traitement, ce qui "n'est en rien une sécurité pour le patient" et qui va conduire des centres à fermer.

Le président du SNRO a rappelé que la radiothérapie n'était pas onéreuse (15 à 20 millions d'euros par an en Midi-Pyrénées). "Un effort peut rapidement être fait pour tirer vers le haut cette activité dans l'intérêt des patients", a-t-il estimé. Il a demandé qu'"un effort conséquent soit fait rapidement, dès 2009".

Concernant la revalorisation des actes en prenant en compte leur technicité en cours depuis de nombreuses années, "les libellés sont écrits depuis plus d'un an. Leur hiérarchisation était programmée pour dans huit jours mais elle vient d'être reportée (en raison de la grève annoncée) dans les prochaines semaines", a précisé le Dr Francis Lipinski (Bayonne).

"UN SCANDALE"

"A l'issue du plan, la situation de la radiothérapie libérale est un véritable scandale et il faut s'attendre à des problèmes", a déclaré le Dr Philippe Martin, ancien président du SNRO.

"Le secteur libéral n'a bénéficié d'aucune aide, à part la dosimétrie in vivo, mais rien pour les équipements, les postes de physiciens et surtout on attend toujours la revalorisation de la nomenclature", a déploré le spécialiste. "On voit un différentiel se creuser entre les équipements du public et du privé", a-t-il regretté.

"Il y aura d'autres accidents et surtout le déficit en personnel conduira à des fermetures temporaires ou définitives de centres. Quel service rend-on à la population?", a-t-il demandé.

De même, la curiethérapie de prostate n'est toujours pas reconnue par la nomenclature; seuls les grains d'iode sont remboursés. Cela limite le développement d'une prise en charge qui représente pourtant un progrès pour le patient, a-t-il ajouté.

Evelyne Fournier de l'Institut national du cancer (Inca), présente à la tribune, a rappelé que près de 70% des mesures nationales spécifiques pour la radiothérapie étaient réalisées.

Elle a cité la dosimétrie in vivo dont l'obligation de mise en oeuvre a été appuyée par un financement de 3 millions d'euros correspondant à 308 dispositifs dont 110 dans le secteur libéral (1,08 million d'euros) et 42 pour le secteur privé (0,42 million d'euros).

 

Le programme d'accompagnement des centres mené avec la Meah a concerné 40 centres en 2008/2009 dont 18 centres privés. Il va être poursuivi avec un appel à candidatures qui sera lancé dans les deux mois à venir. "Au total, d'ici mi-2010, on aura accompagné plus de 120 centres sur les 176 existants", a-t-elle noté.

La représentante de l'Inca a aussi mentionné l'augmentation du nombre de radiophysiciens en formation et l'allongement de la durée du stage. Une cinquantaine d'étudiants devraient sortir de la promotion 2008 et 80 sont espérés pour 2009.

Une enquête sur les pratiques sera conduite. De plus, le comité national de suivi pour la radiothérapie installé en décembre 2008 va faire des propositions d'actions concrètes en mars sur les métiers, la radiovigilance, les coopérations entre établissements et sur les suites à donner à la cellule d'appui.

Concernant la chimiothérapie, l'amertume est également au rendez-vous.

Le Dr Franck Bürki, président du Syndicat français des oncologues médicaux (SFOM), qui représente les médecins du public et du privé, a même refusé de venir aux rencontres, pour la première fois depuis sept ans. "C'est fastidieux de faire subir à l'assistance toujours les mêmes remarques concernant une spécialité dont l'avenir est incertain", a-t-il indiqué sur une diapositive transmise aux organisateurs.

Cela fait neuf ans que la réforme du K15 est prête, qu'elle a reçu l'assentiment de quatre ministres, de tous les cabinets et de deux directeurs de caisses sans que rien ne se fasse. Il s'agit d'une réforme à enveloppe constante proposant la forfaitisation de la rémunération, rappelle-t-on.

D'autres points ont été abordés comme la chirurgie avec le problème de rémunération du secteur 2 qui induit un reste à charge pour les patients ou encore les centres de coordination en cancérologie (3C). Si la mise en oeuvre du dispositif d'annonce et des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) semble bien se faire, les 3C gardent une part de flou, d'après des expériences présentées.

"Combien peuvent se payer des 3C, les soins de support, assistantes sociales... Les financements sont très ARH (agence régionale de l'hospitalisation)-dépendants et le privé touche 0,4% des Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac)", a noté Gérard Parmentier, secrétaire général de l'UNHPC.