Source : APM

 

PARIS, 3 juillet 2008 (APM) - La Société française de radiothérapie oncologique (SFRO) demande à la ministre de la santé la création d'un guichet unique de déclaration des événements indésirables et une aide à l'embauche de qualiticiens pour faire face aux exigences croissantes d'assurance de qualité.

Dans une lettre à la ministre en préparation, la SFRO renouvelle trois demandes déjà exprimées dans un courrier adressé en février dernier. Cette lettre sera cosignée par le Syndicat national des radiothérapeutes oncologues (SNRO) et l'Union nationale hospitalière privée de cancérologie (UNHPC).

"Nous souhaitons que soit créé un guichet unique de déclaration des événements indésirables, a expliqué jeudi le Pr Françoise Mornex, secrétaire générale de la SFRO, dans un entretien avec l'APM.

"Nous demandons une unicité du document de déclaration, un lieu unique de réception et de gestion des documents avec des règles de fonctionnement simples et des mesures d'accompagnement (notamment des formations)", comme cela se fait à l'étranger, a-t-elle précisé.

Actuellement, ces déclarations doivent être faites auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de la direction de l'établissement, du préfet et de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH). "Cela prend du temps et la multiplicité des déclarations constitue une source d'erreur", explique-t-elle.

De plus, la "présence de qualiticiens dans nos services devient incontournable. Les exigences de qualité sont de plus en plus fortes et sont régulièrement rappelées par l'ASN. Il y a un volet qualité dans les lettres d'inspections. Or, nous n'avons ni la formation, ni les moyens, ni le temps", poursuit-elle.

Les besoins sont évalués à un qualiticien par établissement temps plein pendant un an pour mettre en place toutes les procédures, puis à 20% de temps plein pour le maintien les années suivantes.

"C'est nécessaire pour une implémentation réelle en profondeur, comme on dit dans la culture du risque, et non seulement formelle", estime la spécialiste.

La SFRO demande aussi la publication d'un recueil officiel des obligations réglementaires et sécuritaires. Les textes s'empilent au fur et à mesure et il devient difficile de s'y retrouver. Ce recueil permettrait à chacun des membres des équipes de connaître de façon certaine toutes ces obligations, les responsables, les calendriers et les conditions de leur respect et de leur vérification.

A l'heure où la profession se sent de plus en plus stigmatisée, malgré les efforts fournis pour traiter dans les meilleures conditions de sécurité et d'efficacité pas moins de 200.000 patients par an, les oncologues-radiothérapeutes ont souhaité faire un point sur ce qu'il reste à faire et rappeler les travaux menés depuis de nombreuses années pour pouvoir administrer un traitement "sûr, efficace, évolutif et utile aux patients".

FINANCEMENTS TROP MAIGRES POUR LA DOSI IN VIVO

Les oncologues-radiothérapeutes s'inquiètent aussi de la mise en oeuvre de la dosimétrie in vivo. Il s'agit d'un contrôle jugé indispensable par le ministère de la santé dès l'été 2007 et imposé dans le plan de mesures sur la radiothérapie. Trois millions d'euros ont été annoncés en novembre 2007 pour aider les établissements.

"Nous savons que les crédits sont arrivés dans les ARH, mais pas encore dans les établissements. On vient de nous dire que chaque département de radiothérapie aura 20.000 euros. C'est très en-dessous du montant nécessaire", regrette Françoise Mornex. Pour les centres privés, les crédits passeront via les Unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam) et le Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs).

Dans son établissement, le CH Lyon-Sud (HCL), il y a quatre machines. Il faudrait donc cinq équipements de dosi in vivo (un par machine plus un de secours), cite-t-elle.

La société savante insiste par ailleurs sur les efforts à faire pour augmenter le nombre de radiophysiciens en exercice. Il a été reconnu qu'il fallait faciliter le développement de cette profession. "C'est beaucoup trop lent et cela nous inquiète", indique Françoise Mornex.

"Il faut augmenter la formation des radiophysiciens et la professionnaliser en les reconnaissant comme enseignants et en rendant obligatoire la formation continue", complète Thierry Sarrazin, président de la Société française de physique médicale (SFPM), joint par l'APM.

En 2008, il y avait 50 places au concours et il en espère 90 en 2009, ce qui nécessite d'augmenter le nombre d'étudiants en master. Le concours demande aussi à être ouvert à d'autres scientifiques n'ayant pas fait le master mais un DEA ou une thèse, ajoute-t-il.

La SFRO demande également une clarification de la profession de dosimétriste, avec création d'un statut et définition des responsabilités. "Cela permettrait d'en recruter davantage. Pour nous, s'il y avait un dosimétriste dans tous les services, ce serait un gage de sécurité", souligne le Pr Mornex.

Le président de la société savante, le Pr Jean-Jacques Mazeron (Pitié-Salpêtrière), a rappelé avoir participé à une commission ministérielle sur le sujet il y a trois ou quatre ans, mais qui n'a rien donné.

Du côté du secteur privé, le président du SNRO, le Dr Francis Lipinski (Bayonne), dénonce la carte sanitaire bloquée du fait des délais pris pour revoir les Sros 3 et le retard pris sur la révision de la nomenclature, malgré des annonces répétées.

"Les tarifs en cours de préparation dans le cadre de la refonte totale [pour aller vers la convergence public/privé] sont établis sur des bases de 2007 et sont scandaleux" par rapport à ce que coûtera la radiothérapie dans quelques années, estime le président.

La profession est quelque peu bousculée par l'obligation récente de déclaration des événements indésirables, la publicité qui en est faite et les exigences de l'ASN. "La profession souffre d'un malaise qui ne doit pas perdurer", a noté le Pr François Eschwège, directeur administratif de la SFRO.

Les oncologues-radiothérapeutes disent avoir face à eux des patients angoissés et se retrouvent en première ligne, à la suite des accidents d'Epinal et de Toulouse, alors qu'ils travaillent en permanence à l'amélioration des traitements et qu'ils dénoncent depuis longtemps les difficultés sans obtenir les moyens adaptés. La SFRO et le SNRO ont notamment publié un livre blanc en 1996 ou encore un ensemble de recommandations en 2001 qui n'ont pas été reprises dans le Plan cancer.

Inventée il y a 106 ans, la radiothérapie peut se prévaloir d'une vraie pratique médicale ancienne qui a toujours été évaluée. La France est un berceau de la radiothérapie qui traite six millions de patients dans le monde et 200.000 patients par an en France avec 4 millions de séances de traitement annuelles, a souligné Eric Lartigau, président élu de la SFRO.

On recense 673 oncologues-radiothérapeutes en France. La SFRO compte 511 membres dont quelques étrangers francophones.