L’audience démarre à 13h40. Les prévenus sont tous là, les parties civiles sont peu nombreuses, uniquement les responsables de l’association des sur-irradiés. 2 journalistes sont présents dans la mezzanine qui leur est réservée. Une dizaine de personnes assistent aux audiences dans la partie publique. Aujourd’hui la salle du tribunal d’Epinal est peu remplie comme on peut le voir sur les écrans vidéo.

La journée d’audiences est consacrée aux témoignages de médecins correspondants ayant eu à prendre en charge les patients sur-irradiés présentant des complications post-radiothérapie. Les secrétaires du service seront également entendues durant cette audience.

Le premier témoin est le Dr Briquel, anesthésiste-réanimateur au CHU de Nancy, spécialisée en médecine subaquatique, retraitée aujourd’hui. A noter que ce témoin mentionne au moment de son serment ne pas vouloir divulgué de nom de patient pour respecter le secret médical. Le président indique alors que lui ou les avocats pourront être amenés malgré tout à nommer des patients dans certains cas. Le Dr Briquel a eu connaissance de l’accident de manière fortuite par le recoupement d’information dans son service où elle a eu à traiter dans une période de temps restreinte (mai à septembre 2005), plusieurs cas de complications post-radiques plus sévères que les cas qu’elle recevait habituellement. C’est le caractère grave et inhabituel et la provenance localisée des patients dans les Vosges qui l’a alertée. Après en avoir informé son chef de service, elle a contacté le service de radiothérapie d’Epinal. Le Dr Aubertel, qu’elle a eu au téléphone, lui a indiqué qu’il allait se renseigner. Ce dernier l’a rappelé pour lui dire qu’effectivement il y avait eu un problème de dosimétrie mais que le nécessaire était fait. Elle a eu à prendre en charge ensuite une douzaine de patients. Elle explique à la demande du président du tribunal, le principe de sa prise en charge d’hyper-oxygénation par caisson hyperbare. Ce traitement est proposé en seconde intention si les premières thérapeutiques n’ont pas été efficaces.

Les échanges avec les avocats des différentes parties portent ensuite essentiellement sur la diffusion de l’information, d’une part, de la connaissance d’une cohorte de patients sur-irradiés et sur l’information donnée aux ou par les radiothérapeutes du service d’Epinal. On retrouvera ces mêmes échanges pour les témoins suivants, tous spécialistes d’organes qui suivaient les patients sur-irradiés.

Le second témoin est le Dr Maire, gastro-entérologue à la clinique d’Epinal. Il a reçu en consultation un premier patient durant l’été 2005 envoyé par son médecin traitant pour des lésions importantes au niveau du rectum. Quelques jours après il a reçu un second patient présentant des symptômes identiques. Il a alors téléphoné au Dr Sztermer qui lui a dit qu’il allait vérifier le dossier de ces patients. Ce dernier l’a rappelé le lendemain lui disant que, vu les symptômes, si l’erreur était avérée ce serait catastrophique pour le patient. Là encore, le débat tourne autour de la diffusion ou l’absence d’annonce de l’existence d’une cohorte de patients sur-irradiés (24 au total).

Troisième témoin appelé à comparaître, le Dr Cousin, gastro-entérologue au CH de Remiremont, qui a reçu des patients envoyés par des médecins généralistes pour des problèmes digestifs. On entend alors les mêmes questions que le témoin précédent. Leurs dires se recoupant fortement.

Le quatrième témoin est le Dr Pierrefitte, médecin urologue à Nancy et Epinal. A la demande du président, il décrit le cheminement de la prise en charge du patient pour un cancer de la prostate, l’urologue étant le spécialiste en première ligne pour cette pathologie, et indique également les indications principales de radiothérapie pour ces patients. Il décrit des symptômes classiques post-radiothérapie (cystite ou rectire radique) qui s’estompent généralement 6 mois à 1 an après la fin de la radiothérapie. Fin 2005, il explique avoir commencé à voir de plus en plus de patients présentant des complications, complications plus sévères que celles observées habituellement. Il a eu connaissance de manière surprenante de la survenue d’une erreur de radiothérapie : à l’automne 2005, il voit en consultation un patient qu’il avait adressé pour une radiothérapie post-opératoire de rattrapage pour un patient en rechute biologique. Celui-ci lui indique ne pas avoir fait sa radiothérapie car son médecin généraliste lui a dit de ne pas la faire car il y avait eu des sur-irradiations au CHJM ! Le Dr Pierrefitte appelle alors le Dr Sztermer qui confirme l’incident mais que tout est réglé dorénavant. Il aurait eu une information officielle un peu plus tard mais sans pouvoir dire comment et quand exactement. Le président fait remarquer que s’il avait reçu une information claire et formelle, il s’en serait souvenu ou aurait retrouvé une trace. Le spécialiste indique avoir toujours eu une grande confiance dans les praticiens du service d’Epinal mais que suite à la mise à jour de l’accident, a proposé à ses patients la possibilité de se faire traiter à Nancy ou à Epinal

 

La dernière partie de l’audience est consacrée à l’audition des secrétaires médicales du service. Une des deux secrétaires appelées à témoigner ne s’est pas présentée pour raisons médicales. La seule secrétaire à déposer décrit un service fonctionnant avec une bonne organisation, très rigoureuse mais qui lui convenait. Elle ne décrit pas de difficultés particulières avec les médecins. Le président remarque que son appréciation (ainsi que celle de sa collègue, lue à partir du procès-verbal de l’audition par la police judiciaire) diffère de la version des manipulateurs. Le président aborde alors le point du retrait des feuilles de matching. Le témoin déclare avoir vu le physicien Joshua Anah enlever les feuilles de recueil des résultats de matching dans les dossiers regroupés au secrétariat et destinés aux experts présents sur le site le lendemain. Ce retrait s’est fait de manière non dissimulée. Les secrétaires sont alors en parler aux manipulateurs, ne sachant pas ce que ces feuilles étaient.  Les manipulateurs ont alors dit qu’il s’agissait probablement des feuilles de matching et tout le monde était très étonné. Le président détaille alors le procès verbal de son audition où elle a déclaré : « on savait à ce moment là que c’était à cause des doses supplémentaires apportées par les images. On était dégoutés ». Le témoin raconte également sa surprise lorsque les radiothérapeutes lui ont demandé de ne pas photocopier les feuilles de traitement pour les experts car les comptes rendus de fin de traitement leur suffiraient. Pour elle c’est parce que les experts pouvaient également voir le nombre d’images réalisées et ainsi déduire la réalisation du matching quotidien.