* Source : Par Emmanuelle CHANTEPIE, Le Journal du Dimanche

 

Après la suspension de quatre CHU et le "rappel" de 620 patients affectés par des dysfonctionnements, tous les spécialistes de la radiothérapie sont convoqués mardi au ministère de la Santé. Objectif immédiat: "mettre en oeuvre très rapidement un niveau supplémentaire de sécurité des installations existantes". Une urgence pour les 350 physiciens médicaux français.

 

Le service d'oncologie du CHU de Tours a été touché par les problèmes de surexpositions.

 

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Cancer: les irradiés de ToulouseCette fois, c'est juré: "On est en ordre de bataille!" Agences de sécurité sanitaire, sociétés savantes représentant les professionnels, administrations de tutelle: tous les acteurs de la radiothérapie sont convoqués mardi au ministère de la Santé. "Il s'agit de faire un premier point de situation sur les mesures à prendre. Le drame d'Epinal a traumatisé tout le monde, il faut une mobilisation générale pour que cela ne se reproduise plus", estime Dominique Maraninchi, le président de l'Institut national du cancer (Inca) chargé de coordonner le plan de sauvetage annoncé en mars dernier par le ministère de la Santé. Un rapport d'étape devra être remis en juillet à Roselyne Bachelot, la nouvelle locataire de l'avenue de Ségur.

Après les surexpositions enregistrées à Epinal puis à Toulouse, la multiplication des alertes a conduit les autorités à pousser les feux, afin de stopper au plus vite la série noire. Sans préjuger des conclusions des groupes de travail et sans attendre la publication de dispositions réglementaires prévues pour la fin 2007, la direction de l'hospitalisation (Dhos) a sorti lundi dernier une circulaire "d'application immédiate". Le même jour, le ministère de la Santé annonçait la suspension de l'activité de quatre CHU à Montpellier, Nancy, Tours et Paris, et le rappel de 620 patients après un nouveau dysfonctionnement repéré sur des appareils de radiothérapie.

 

Pénurie de personnel

 

Coïncidence ou pas, l'objectif de la circulaire est on ne peut plus clair: il s'agit de "mettre en oeuvre très rapidement un niveau supplémentaire de sécurité des installations existantes". Parmi les garde-fous, la mise en place de la "dosimétrie in vivo", un dispositif qui contrôle en temps réel la dose délivrée au patient: "C'est le meilleur rempart contre les risques de surexposition ou de sous-exposition», affirme Dominique Maraninchi. Une meilleure organisation du plateau technique, le renforcement de la présence médicale, l'augmentation des possibilités de formation des radiophysiciens sont également préconisés "le plus promptement possible" pour tous les centres de radiothérapie.

 

Il devenait urgent de réagir. La radiothérapie est utilisée dans 60% des traitements des cancers, soit près de 170 000 nouveaux traitements et 3,8 millions de séances par an. Depuis plusieurs années, la profession des physiciens médicaux tire le signal d'alarme. Dans un livre blanc très critique publié en 2001, on peut lire que "90% des centres de traitement du cancer par radiothérapie ne travaillent pas dans des conditions sécuritaires pour des traitements de routine". Ces acteurs essentiels de la radiothérapie savent de quoi ils parlent: ce sont ces "pharmaciens des rayons" qui doivent délivrer la bonne dose au bon endroit. En première ligne dans la sécurité des patients, ils dénoncent depuis longtemps la pénurie de personnel qualifié. "Alors que l'Allemagne compte 1200 physiciens médicaux et l'Angleterre 1800, en France nous ne sommes que 350. Il en faudrait au moins le double", déplore Thierry Sarrazin, président de la Société française de physique médicale. Montrée du doigt dans les affaires d'Epinal et de Toulouse, la profession veut aujourd'hui croire à un électrochoc salutaire. Non sans amertume: "Dire qu'il aura fallu tous ces accidents pour que la sécurité des patients devienne enfin une priorité", grince Thierry Sarrazin.