Source : APM

 

EPINAL, 22 février 2008 (APM) - Le service de radiothérapie du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal (Vosges) a repris ses traitements en début de semaine sous la responsabilité médicale du centre Alexis Vautrin et dans les plus hautes conditions de sécurité et de qualité possibles, ont assuré jeudi les responsables de l'hôpital et du service lors d'une conférence de presse précédée d'une visite du service.

 

L'activité d'irradiation du service avait été suspendue fin février 2007 par l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Lorraine, puis confirmée peu de temps après par l'ancien ministre de la santé Xavier Bertrand, alors que de nouveaux cas de surirradiation, ayant eu lieu les années précédentes, étaient découverts.

 

Les traitements ont repris lundi avec trois patients, a annoncé jeudi le Pr Didier Peiffert, responsable du service de radiothérapie du centre Alexis Vautrin (CAV) à Nancy et désormais également responsable du service du CH d'Epinal, à l'occasion d'une visite des locaux organisée pour la presse, conduite également par Alain Noël, responsable de l'unité de radiophysique du CAV et du CH Jean Monnet.

 

Ce redémarrage se fait avec un seul accélérateur, l'objectif étant de parvenir à traiter progressivement 20 patients par jour, soit environ 200 patients par an. Avant son arrêt, le service disposait d'une file active de 600 patients, rappelle-t-on.

 

L'interruption d'activité pendant un an a été mise à profit pour instaurer "une nouvelle gouvernance" afin de sortir le service de son "isolement", a expliqué Gilbert Hangard, directeur du CH d'Epinal, lors de la conférence de presse.

 

Elle a également servi à mettre en place une nouvelle gestion axée sur la sécurité et la qualité des patients en appliquant l'ensemble des recommandations de l'Institut national du cancer (Inca) et des sociétés savantes et anticipant les futures directives relatives à la sécurité de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a-t-il ajouté.

 

Outre la chefferie de service assurée par le Pr Peiffert, deux autres médecins radiothérapeutes du centre Alexis Vautrin participeront à la prise en charge des patients sur Epinal, de même qu'une équipe de cinq radiophysiciens, appartenant aussi au CAV, qui se rendront à tour de rôle à Epinal.

 

Les autres membres du personnel du service sont tous employés par l'hôpital d'Epinal. Parmi eux figurent sept manipulatrices radio qui se sont rendues pendant un an au CAV pour participer à des séances de formation et d'harmonisation des pratiques.

 

Parallèlement, tous les matériels du service ont été renouvelés (logiciel de calcul, réseau informatique, simulateur) ou ont subi une maintenance préventive afin de garantir leur fiabilité. Le coût de ces opérations s'est élevé à 3,5 millions d'euros.

 

Le fonctionnement des logiciels et des appareils et les procédures ont été "homogénéisés" avec ceux du CAV, ont expliqué lors de la visite Alain Noël et Didier Peiffert.

 

Le service dispose d'un scanner et d'un simulateur scanner installé pendant la fermeture. Toutes les consoles et les logiciels de dosimétrie prévisionnelle et d'échange de données ont été changés et configurés de la même manière que ceux du CAV.

 

Le centre de lutte contre le cancer et le service de radiothérapie d'Epinal sont connectés par une liaison informatique à très haut débit qui permet aux médecins et aux radiophysiciens de Nancy d'accéder à distance aux données enregistrées et de visualiser ce qui a été fait.

 

Dans la salle des traitements, l'accélérateur remis en marche a fait l'objet "d'une vérification point par point avec les mêmes procédures de contrôle que celles utilisées à Nancy", a expliqué le Pr Peiffert.

 

Le système d'imagerie portale a été changé pour un nouveau système délivrant un niveau d'irradiation moins élevé que le précédent. Les doses appliquées lors de cet examen sont systématiquement prises en compte dans le calcul des doses des traitements, là aussi selon la même procédure que celle appliquée à Nancy, a assuré le Pr Peiffert.

 

Un processus de contrôle de la dose délivrée par dosimétrie in vivo est aussi utilisé. Le centre Alexis Vautrin a en cela une expérience quasi unique en France puisqu'il l'utilise depuis de nombreuses années, a souligné Alain Noël.

 

L'une des autres nouveautés par rapport à la période précédente est que toutes les séances d'irradiation se dérouleront en présence d'un médecin et d'un radiophysicien, comme c'est aussi le cas à Nancy, a annoncé le Pr Peiffert. Les patients seront ensuite régulièrement suivis.

 

Globalement "nous sommes allés plus loin dans la sécurité et la qualité qu'on pensait le faire au départ", a-t-il souligné.

 

L'accueil du service a été refait et repensé pour y installer de nouveaux bureaux qui serviront à la consultation d'annonce du diagnostic du cancer et à une nouvelle consultation consacrée à une information sur la radiothérapie.

 

PRINCIPALEMENT LES CANCERS DU SEIN ET DE LA PROSTATE

 

Pour cette reprise progressive, les responsables du service ont décidé de cibler la prise en charge uniquement sur les cancers du sein, les cancers de la prostate et les traitements antalgiques.

 

Le choix a été fait de prendre en charge des cancers curatifs qui sont parmi les plus fréquents et font appel à des techniques standardisées, a expliqué Didier Peiffert tout en ajoutant que le cancer de la prostate est celui qui demande le temps de traitement le plus long, de plus de sept semaines.

 

"Nous avons aussi voulu exclure des pathologies qui demandaient des techniques très précises pour que l'équipe soit d'abord bien à l'aise avec celles utilisées pour ces deux cancers, avant d'élargir à d'autres cancers", a ajouté le Pr Peiffert.

 

Interrogé sur une éventuelle crainte que pourraient ressentir des patients à venir dans ce service, il a indiqué que "beaucoup" des patients qu'il voyait à Nancy souhaitaient revenir sur Epinal.

 

"Nous aurons plutôt des difficultés à répondre aux demandes", a-t-il estimé. "Les gens sont en attente. Ils sont moins réticents à revenir qu'il y a six mois", a confirmé le Dr Bernard Huttin, président de la commission médicale d'établissement (CME) du CH d'Epinal.

 

Un appel d'offres a été lancé pour l'acquisition d'un second accélérateur qui viendra remplacer celui qui n'a pas été remis en route, a précisé Alain Noël en estimant que la mise en service du nouvel appareil pourrait avoir lieu à la fin 2008.

 

Mais l'hôpital et le centre Alexis Vautrin se voient confrontés à la nécessité de recruter de nouveaux radiothérapeutes, radiophysiciens et manipulateurs, ce qui n'est pas forcément facile avec la démographie médicale actuelle, a souligné le Pr François Guillemin, directeur du CAV.

 

A la question de savoir si un tel partenariat entre un centre hospitalier et un centre de lutte contre le cancer était particulièrement original, tous les responsables ont estimé que c'était le cas. "Je suis persuadé que cette formule fera école auprès d'autres hôpitaux", a estimé le directeur du CH Jean Monnet.

 

Il a précisé que son établissement travaillait de plus en plus en coopération avec d'autres établissements de haut niveau, comme le CHU de Nancy et la maternité régionale, dans le cadre d'une gradation des soins. Un praticien du CHU de Nancy a accepté la chefferie du service de réanimation d'Epinal, a-t-il précisé.

 

"Nous avons pris une énorme maturité en 18 mois que ce soit dans nos organisations, nos raisonnements médicaux ou nos contacts", a confirmé le président de la CME.

 

Le directeur du CH d'Epinal a assuré que la reprise de l'activité était accompagnée d'une "forte volonté de transparence". Si un incident ou accident se produit, celui-ci fera l'objet d'une double déclaration, aux autorités sanitaires et à l'ASN. Les résultats de l'enquête de l'ASN seront rendus publics, a-t-il assuré.

 

LE PRESIDENT DE L'AVSHE HEUREUX DE CETTE REPRISE

 

Le président de l'Association vosgienne des surirradiés d'Epinal (AVSHE), Philippe Stäbler, s'est déclaré "très heureux" de la reprise d'activité du service de radiothérapie du CH Jean Monnet.

 

"On ne peut pas se passer ni de ce type de soins vu la fréquence des cancers ni de la proximité", a-t-il indiqué, interrogé par l'APM, en soulignant qu'il pouvait être éprouvant de faire un trajet de deux heures aller-retour pour des personnes malades.

 

Il a cependant estimé qu'un certain "manque de confiance" demeurait parmi la population.

 

La reprise d'activité du service intervient alors qu'environ 5.000 anciens patients du précédent service ont été surirradiés entre 1989 et 2006 à des taux compris entre 2% et 20%, dont plus de 700 à un taux supérieur à 7%, rappelle-t-on.