Dans cette salle somptueuse, peu de public, une trentaine de parties civiles présentes à Paris, une salle pleine présente en Lorraine visible sur un écran géant, suit le procès à distance.

Le président démarre l’audience en déclarant que le jour de l’audition du technicien Varian, le responsable de Varian, Youssef Rihane, sera également présent.

Maitre Welzer, avocat des victimes, demande à la cour que la femme de M. Gilles Noiriele puisse représenter son mari devant la cour, ce dernier étant en incapacité de se déplacer. Au nom des procédures juridiques, cette demande sera rejetée plus tard.

Le Président appelle à la barre Pr Didier Peiffert, Cancérologue radiothérapeute, chef de département de radiothérapie du Centre Alexis Vautrin (CAV), devenu depuis Institut de Cancérologie de Lorraine, et Alain Noel, physicien médical au CAV, aujourd'hui retraité, tous deux en qualité d’experts.

La cour rappelle le rôle d’expertise de MM. Peiffert et Noel dans l’affaire.

Le Pr Peiffert a été missionné dès janvier 2007 par l’Agence Régionale de l'Hospitalisation (ARH) de Lorraine, pour organiser une expertise sur le service de radiothérapie de l’hôpital d’Epinal, afin d’évaluer les surdosages sur la 1ère cohorte de patients sur-irradiés (45). Un rapport a été rendu le 6 mars 2007 concluant que des taux de complications supérieures aux valeurs de la littérature avaient été observés. Suite à quoi, l’ARH Lorraine a missionné le CAV pour prendre en charge le service de l’Hôpital d’Epinal. C’est au cours de ces expertises qu’une procédure de double contrôle quotidien de la position des patients par IP (imagerie portale), « le matching », pour les traitements de cancer de la prostate est découverte, révélant alors l’existence d’un 2ème accident d’Epinal, ces doubles contrôles ont engendré des surdosages importants.

Alain Noel est questionné sur l’audit des pratiques professionnelles qu’il a effectué au service de radiothérapie d’Epinal en 2006 sur demande du Dr Aubertel. Il se dira ensuite que ce dernier a été missionné par la direction de l’hôpital pour faire un audit. A ce moment-là, les experts sont en train de comprendre qu’il y a eu un 1er accident (filtres dynamiques). Personne n’a encore conscience d’une 2ème cohorte. Se basant sur une méthode de l’AIEA (Agence Internationale sur l'Energie Atomique) et s’entourant de l’expertise indépendante de MM. Sarrazin, alors président de la Société Française de Physique Médicale et Maingon, radiothérapeute missionné par la Société Française de Physique Médicale, ils concluent sur des bonnes pratiques, une bonne organisation, mais un manque de personnel notamment en Physique médicale et sur un volume d’investissement inférieure à ce qui aurait dû être à ce moment-là.

Il est également rappelé que le 26/12/2006, Alain Noel est appelé par l’ASN de Strasbourg pour faire une vacation physicien à l’hôpital d’Epinal, afin d’assurer une présence pendant les traitements, le physicien et les 2 radiothérapeutes ayant pris congés. L’occasion pour ce dernier de discuter avec les manipulateurs,et de découvrir peu à peu la procédure en cours de matching pour les traitements de la prostate (délivrant 2x10 UM/jour) , ce qui n’est pas indiqué dans les procédures.

La directrice de l’hôpital à l’époque témoigne de toutes les démarches faites à cette époque par l’hôpital pour soulever des fonds pour la radiothérapie, dont le manque explique l’impossibilité d’augmenter les effectifs.

Les experts sont également questionnés sur la suppression des lignes de défense qui existaient à l'époque dans le service : dosimétrie in vivo et double calcul d'unités moniteur.

Didier Peiffert est questionné sur une note supplémentaire de son rapport du 6 mars 2007, sur le fait qu’il ait retrouvé, a posteriori et tout à fait par hasard, des feuilles de matching dans des dossiers patients ne faisant pas partie des victimes et non-expertisés. Alors que ces mêmes documents n’ont jamais été retrouvés pour les patients accidentés.

La cour revient sur l’isolement progressif du service de radiothérapie d’Epinal, qui, les temps précédent la révélation de ces affaires, ne participait plus aux réunions « ONCOLOR », le réseau régional de cancérologie de Lorraine.

Le Ministère Public revient sur la question de l’effectif ETP physicien, qui n’était probablement pas suffisant d’après les experts, même si en sous-effectif, « un physicien médical doit toujours garantir la dose ». En l’occurrence Joshua Annah était à 20 % en Médecine Nucléaire dans une clinique. Le débat porte alors sur les effectifs de physique médicale en France, Alain Noel rappelle le retard de la France par rapport aux autres pays à ce moment-là, environ 350 physiciens médicaux en France, un des plus petits effectifs d’Europe. Il rappelle aussi la décision de Mme Bachelot de doubler le nombre de physiciens médicaux, suite à cet accident.

Le Ministère Public questionne les experts sur une impression de rivalité entre Nancy et Epinal. Les deux experts ne ressentent pas de concurrence entre les deux centres.

L’audition des deux experts se termine par des questions techniques sur les DIV et le R&V (définition, difficulté de mise en œuvre, avantages et inconvénients, précautions à prendre etc.)

Pause de 20 minutes.

L’audience reprend avec le témoignage de 8 victimes, et Philippe Stabler, président de l’association des victimes des sur-irradiés de l'hôpital d’Epinal (AVSHE) qui démarre la session par un discours concis. Ce dernier insiste sur le fait que les victimes n’étaient pas demandeur d’un second procès. Il insiste particulièrement sur l’intérêt des traitements de radiothérapie, quand ceux-ci sont faits de façon normale.

Puis 8 victimes ou proches de victimes viennent témoigner.

Chacun raconte son traitement, quand et comment il a appris qu’il faisait partie des victimes, le suivi des patients. Puis l’apparition des 1ers symptômes, dont certains sont communs à tous les témoignages (diarrhées, maux de ventres, sang dans les selles et l’urine, puis incontinence aigue). Le calvaire vécu, les sentiments, les souhaits, ce qu’ils attendent de la justice.