Concerne les experts : P. Gourmelon, P. Bey et J.C. Rosenwald.

13h40 – 18h45

Peu de monde sur les bancs du public aucune difficulté pour trouver une place. Les patients à Epinal sont visibles sur des écrans et suivent l’audience. La salle à Epinal est assez remplie elle se videra au cours du temps et de la durée de l’audience. Les patients ont une écharpe rouge et un badge au nom de l’association de patients d’Epinal.

P. Gourmelon retraité de l’IRSN a commencé son témoignage hier il le termine sur l’escalade de dose en expliquant que celle-ci ne peut exister que dans le cadre de la recherche clinique. Ce n’était pas le cas à Epinal de plus les critères de tolérance des OAR n’avaient pas été adaptés. Ensuite il renvoie au spécialiste P. Bey qui effectivement sera interrogé spécifiquement sur ce point plus tard dans l’audience.

Aujourd’hui il est d’abord questionné par l’avocat de l’association des patients sur la base du rapport IRSN. La question repose sur les moyens mis en œuvre par l’IRSN lorsque ce dernier a été mandaté. Puis il entre dans des considérations plus ou moins personnelles telles « que si le radiothérapeute ne sait pas qu’une machine est dangereuse il doit changer de job ». Le radiothérapeute doit être très professionnel, très responsable et avoir une démarche médicale (indispensable), apparemment il n’a pas trouvé cela à Epinal.

L’IRSN a fait travailler en tout 47 personnes (dont 7 à 8 se sont déplacées), fait installer une dizaine de lignes téléphoniques pour appeler directement les patients, les dossiers des patients n’étant pas suffisants, mal tenus, incomplets et certains (celui du 24éme patient) « falsifié » selon l’avocat, reconstitué a posteriori selon P. Gourmelon. C’est grâce à ces appels téléphoniques que d’une part le 24éme patient a été trouvé et que d’autres part l’IRSN a pris conscience du nombre anormalement élevé de patients contactés (50 %) avec des complications de grade 1 à 4, très supérieur à celui de la littérature et 25 % pour les seuls grades 3 et 4.

L’avocat rappelle l’histoire malheureuse de la « 24éme victime » en fait Mr Bazin qui s’est suicidé par noyade, du fait de souffrances insupportables.

Question du ministère public, l’avocat général relève les moyens importants dont disposait l’IRSN. P. Gourmelon dit quasiment ceci : la Santé n’a pas les moyens, l’IRSN du fait de ses moyens importants dus au nucléaire français a pu mettre au service de la santé son expertise. La Santé à l’époque craignait par-dessus un effet iceberg (Epinal que la partie visible) due à « l’expérience du sang contaminé ».

Autre question (toujours issue du rapport IRSN) du ministère public : vous écrivez que les utilisateurs de la machine étaient des presse boutons. P. Gourmelon va jusqu’à dire que le radiophysicien modifiait les paramètres de la machine (quasiment comme il le voulait). De toute façon la main droite ne savait pas ce que faisait la main gauche, il y existait un cloisonnement entre les professionnels selon le témoin expert.

Autre question : quand on augmente les doses doit-on être plus vigilant par rapport aux organes à risque ? P. Gourmelon répète ce qu’il a dit et qui est rapporté ci-dessus.

L’avocat du docteur S. essaie de démontrer qu’il y avait un suivi organisé des patients du docteur S. contrairement à ce qui est écrit dans le rapport IRSN. Il cite des exemples issus de dossiers médicaux. P. Gourmelon, certains patients ont eu un suivi « normal », mais avec des informations insuffisantes pour savoir si rectite ou pas. « si le suivi est bien fait l’équipe aurait du le savoir, le dire ». C’est l’analyse quantitative qui permet à l’IRSN de dire cela. L’avocat du docteur S. pilonne P. Gourmelon, qui reste sur sa position que les dossiers étaient mal tenus et les médecins ne faisaient pas leur travail à Epinal.

L’avocat fait référence, par une question portant sur sureté et risque, à un rapport de 2008 de l’IRSN décrivant la nécessité d’un référentiel de sureté pour la radiothérapie qui n’a pas été mis en œuvre. A propos des humains, il doit y avoir adéquation entre les moyens et le matériel complexe. P. Gourmelon apparait maladroit dans ses explications. L’avocat fait référence à une lettre de suite ASN de 2013 pour le CLCC de Nancy soulignant que l’analyse des risques a priori n’avait pas été faite pour le CK et l’ICT. P. Gourmelon répond que la non utilisation des recommandations de ce référentiel de l’IRSN ne signifiait pas que le risque et la sureté n’étaient pas considérés par les équipes de radiothérapie.

Il y a ensuite des questions des avocats de Joshua Anah dont une sur la tolérance de +- 5 % en radiothérapie notée sur le critère de déclaration 2.1 de l’ASN des évènements indésirables. P. Gourmelon fait une saillie sur l’ASN qui « s’occupe du médical alors que son travail c’est de fermer les centrales nucléaires ». Il conclut en disant que selon lui l’histoire de la radiothérapie c’est la diminution des effets secondaires. L’avocat demande si ce seuil est international, P. Gourmelon ne sait pas.

15h15 pause de 20 minutes.

Les deux experts P. Bey et J.C. Rosenwald viennent ensemble à la barre et vont répondre après s’être présentés (J.C. Rosenwald se présente comme physicien médical à la retraite) et avoir prêtés serment à des questions liées directement à leur rapport d’expertise. Le président du tribunal donne un plan à respecter par les experts : bénéfices attendus de la radiothérapie, risques, bilan coût/bénéfice, les accidents. Qui est responsable de quoi ? Ensuite les experts (re)donneront les réponses qu’ils ont donné aux juges d’instruction puis ils répondront aux questions des avocats.

Il est essentiel de préciser que ces deux experts n’ont eu accès pour leur expertise qu’à des documents, des dossiers.

Les deux experts se partagent leur intervention à leur convenance selon l’instruction du président du tribunal. Ils le feront en fonction des thèmes abordés. P. Bey rappelle les objectifs de la radiothérapie, ici dans le cas de la prostate. Il déroule toute l’évolution y compris technique jusqu’à la RCMI, parle de la toxicité précoce, de la toxicité tardive, explique que lorsque l’on augmente la dose, on augmente le contrôle local et donc le suivi des patients.

Pour P. Bey, le radiothérapeute fait la prescription, délimite les volumes, valide la dosimétrie (planimétrie). Le physicien médical est « responsable de la dosimétrie, des calculs physiques et du bon fonctionnement de l’appareil ». « Les manipulatrices sous la responsabilité du radiothérapeute et du physicien médical, délivre la dose au patient ».

Selon P. Bey la pratique a changé au début des années 1980, la masse d’informations délivrée aux médecins s’est emballée. Aujourd’hui plus de 1000 articles par mois seulement pour la cancérologie. Donc pour un médecin il n’est plus possible de traiter toute cette information, appréhender la validité d’un article, ses limites,…

A partir des années 1990, des recommandations de bonnes pratiques fondées sur la preuve (Evidence based medecine) ont vu le jour proposées par des groupes collaboratifs (internationaux, nationaux, régionaux).

J.C. Rosenwald prend le relais concernant les équipements. J.C. Rosenwald fait une reprise des questions posées au moment de l’instruction du procès. Il décrit les évolutions des accélérateurs linéaires, appareils complexes, utilisés en radiothérapie, jusqu’au MLC, ce que sont les modificateurs de faisceau en particulier le filtre en coin, en cause ici.

J.C. Rosenwald rappelle que le temps de traitement est un élément crucial en radiothérapie au moment de l’exposition du patient. Sur un accélérateur linéaire il se traduit par les unités moniteur (UM), homogènes à une durée d’exposition. Il souligne que le changement des UM, ne modifie pas la distribution de dose, par contre il affecte directement la dose. Le nombre d’UM que doit délivrer l’appareil de traitement est calculé par le TPS, supportant le logiciel à l’origine de l’accident.

J.C. Rosenwald rappelle qu’en 2006 la pratique de la dosimétrie in vivo n’était pas usuelle (10 % des centres environ). Les deux linacs d’Epinal étaient dans les standards de l’époque et même plutôt au-dessus, le TPS Cadplan dans le standard, un peu vieillissant cependant. Le RetV a été développé localement par le physicien, seulement 1/3 des centres de radiothérapie étaient équipés d’un RetV. Au bilan de bons équipements calibrés correctement, « dans les clous » ajoute J.C. Rosenwald.

P. bey répond pour la partie des ressources humaines en faisant référence à la circulaire du 2 mai 2002 (effectifs en fonction du nombre de patients pour radiothérapeute, physicien, dosimétriste et manipulateur avec une pondération pour les centres académiques ayant des charges de formation, et de recherche). A Epinal les effectifs étaient adaptés sauf pour les effectifs en physicien médical. « L’exercice solo du physicien expose à un risque d’erreur plus élevé ».

J.C. Rosenwald prend la suite pour la cause de l’accident. Le président du tribunal lui demande une description, la plus détaillées et précise possible. J.C. Rosenwald le fait. (Je ne le détaille pas ici car cela a déjà été présenté par ailleurs) Il explique que passer d’un filtre mécanique qui atténue de 30 % environ l’intensité du faisceau, à un filtre dynamique qui atténue de 10 % environ, la différence est de l’ordre de 20 % sur les UM. J.C. Rosenwald dit qu’il a existé des problèmes de communication entre cette phase de préparation et le traitement proprement dit, car pour certains patients le calcul a été fait avec le filtre mécanique alors qu’au traitement le filtre dynamique a été utilisé.

Le président du tribunal demande à J.C. Rosenwald de décrire l’ergonomie du logiciel TPS (cadplan). J.C. Rosenwald explique, décrit pour souligner la très faible ergonomie de cadplan en particulier au moment de la sélection du filtre, on comprend que la confusion était possible. J.C. Rosenwald dit que ce sont les manipulateurs venant sur leur temps de dosimétrie qui ont fait l’erreur.

Le président du tribunal demande à J.C. Rosenwald de préciser l’intérêt du filtre dynamique. Les arguments sont amélioration des conditions de travail pour les manipulateurs « (4 faisceaux sur 5 avaient un filtre »), secondairement une amélioration de la qualité des faisceaux (« il existe du rayonnement diffusé dans le patient avec filtre mécanique »).

Le président du tribunal demande à J.C. Rosenwald s’il s’agissait d’une amélioration ou d’un saut technologique, la réponse est amélioration. J.C. Rosenwald prend l’exemple des 28 patients traités par RCMI à Epinal pour dire que la RCMI était un saut technologique, ici maitrisé. Le président demande alors comment J.C. Rosenwald peut expliquer, ce dernier dit qu’il ne sait pas, peut être peut-on penser qu’il s’est agi d’une banalisation du filtre par rapport à la RCMI.

Le président du tribunal demande à P. Bey s’il a eu des informations concernant l’abandon de la RCMI à Epinal. P. Bey dit que cela s’est produit suite au rapport de l’ANAES (Ex HAS) selon laquelle la RCMI était expérimentale. Le président demande si il y a un lien entre RCMI et escalade de dose, pas forcément répond P. Bey.

J.C. Rosenwald est questionné par le président sur la levée des lignes de défense. D’emblée J.C. Rosenwald dit au tribunal qu’il n’aime pas ce terme. Laisser entendre cela ne tient pas compte du fait que la DIV était très peu répandue à l’époque. Le physicien ne l’a pas utilisée pour le filtre dynamique car les essais précliniques ne furent pas concluant. Le président rappelle ce qu’a dit Mme Lalande (IGAS) la veille selon laquelle J. Anah aurait réussi un mois plus tard à valider la DIV pour le filtre dynamique. J.C. Rosenwald ne s’explique pas.

A la question du caractère d’urgence, pour la mise en service du filtre dynamique (pour rappel mis en service pendant les congés annuels), J.C. Rosenwald dit qu’il n’y avait pour lui aucun caractère d’urgence.

J.C. Rosenwald s’explique, à la demande du président, sur pourquoi il n’aime pas les termes de levée des lignes de défense. Pour J.C. Rosenwald se sont plutôt des systèmes redondants qui n’étaient pas mis en place, ce qui à l’époque n’était pas « aberrant », qu’il s’agissait d’une pratique ailleurs dans le pays.

Concernant les défauts de vérification le président questionne J.C. Rosenwald. L’absence de transfert automatique entre RetV et linac, avec un transfert automatique il n’y aurait pas eu d’erreur.

Petit aparté du président pour dire que également dans le milieu de la justice il y a des ressaisies manuelles entre les logiciels…).

Cependant en 2007 à Epinal sur les feuilles signées (données du TPS) il y avait moyen de voir si il y avait filtre mécanique ou filtre dynamique, ceci a échappé au physicien.

P. Bey ajoute qu’il y avait à Epinal des facteurs additionnels dont la prescription de dose (78 Gy) qui impliquait une réduction des tolérances aux OAR. Pour P. Bey, le physicien est responsable car erreur de calcul et le médecin chef de service car il est responsable du fonctionnement du service et donc de l’assurance de qualité du service.

Une question du président à propos du « matching » (imagerie portale et dose de l’imagerie portale). J.C. Rosenwald dit d’un point de vue général, si la dose est faible, il lui parait justifié de ne pas la compter. Un matching quotidien bien que peu courant n’était pas aberrant. Par contre les détecteurs (EPID) étaient peu sensibles donc nécessitaient une dose non négligeable, sans estimation en particulier par le physicien de la dose due à l’EPID.

Question du président à P. Bey avez-vous pu déterminer le % de surirrradiation entre l’accident (filtre) et l’imagerie. L’évaluation a été faite sur la base du travail de l’IRSN. Parlant de dose physique les patients ayant reçu 70 Gy ont reçu 89 Gy, ceux entre 72 et 74 Gy, 92 Gy et ceux ayant reçu 78 Gy 98 Gy (9 patients). P. Bey dit que la dose physique s’est trouvée augmentée par séance soit donc des doses équivalentes allant de 95 Gy à 107 Gy. Pour les 24 patients (filtre) dans tous les cas les patients ont tous reçus une dose supérieure à 85 Gy donc une dose très élevée aux OAR fonction de la dose prescrite et de l’anatomie de chaque patient. Si le rectum reçoit au moins 76 Gy et la vessie 80 Gy les complications sont assurées pour un fractionnement de 2 Gy par séance et un étalement de 5 séances par semaine. A propos du second groupe (dose EPID) la suirradiation de 3 à 4 % reste dans les tolérances admises, ensuite les niveaux de dose dépendent du volume de rectum et ou de vessie. Les deux groupes sont très différents.

Pour le groupe 1 (24 patients) une dose très élevée a été reçue avec des complications différentes mais chez tous ces patients.

Pour le groupe 2 les conséquences sont moindres pour les patients car la dose reçue par la tumeur est plus faible (que pour le Groupe 1) < 78 Gy ainsi les complications dépendent elles du patient.

P. Bey à la demande du président confirme que sans expertise des patients du groupe 1, on aurait pu passer à côté des patients du groupe 2. P. Bey dit que ce n’était pas facile car les patients n’étaient pas tous suivis par les radiothérapeutes et donc très difficile de trouver les complications puisque dans un niveau inférieur de gradation (des toxicités) c’est difficile à rechercher ajoute P. Bey. SI on fait une recherche systématique on trouve (ce qui a été le cas du fait du groupe 1) « sinon on peut passer à côté.

La surveillance des patients est d’autant plus attentive que les patients sont âgés en rapport avec leur espérance de vie et l’apparition des complications (à partir de 6 mois et jusqu’à 15-20 ans).

Puis viennent les questions des parties civiles. L’avocat demande des confirmations aux experts de ce qui vient d’être dit.

Première cause : l’ergonomie du TPS, pas d’effort de documentation fait pour les manipulateurs, pas de manuel. J.C. Rosenwald confirme.

Un changement de pratique intervenu pendant l’été. Responsabilités des médecins du fait de l’absence de suivi et du physicien (erreur). La responsabilité des manipulateurs ne parait pas engagée. J.C. Rosenwald redit qu’ils sont la responsabilité des radiothérapeutes.

Deuxième cause : Dose EPID responsabilité collective radiothérapeutes, physicien médical, pas de responsabilité des manipulateurs, ce que confirment J.C. Rosenwald et P. Bey.

Aucune urgence pour le passage au filtre dynamique, confirmé par J.C. Rosenwald. Une question du président que la « productivité potentielle de l’utilisation du filtre dynamique J.C. Rosenwald dit non.

Question du ministère public. L’avocat général questionne J.C. Rosenwald sur l’arrivée des filtres dynamiques à l’Institut Curie et sur les précautions prise pour les mettre en service. J.C. Rosenwald dit que cette mise en service résulte d’une concertation, une préparation, des documents écrits. Si tout cela est fait avant (consultation et concertation) ce n’est pas choquant – de mettre en service le filtre dynamique en été.

P. Bey ajoute dans un service de radiothérapie, il y a très souvent des nouveautés et des pressions exercées par les radiothérapeutes pour que l’évolution aille plus vite, il existe certaines résistances des physiciens médicaux pour des raisons d’assurer la sécurité.

Dernière question de l’avocat général et si le chef de service est mis devant le fait accompli (cas à Epinal selon un des inculpés). Pour J. C. Rosenwald le travail en amont (préclinique) a été fait correctement (irradiation sur fantôme) par le physicien, c’est le passage à la clinique qui a posé problème.

Questions des avocats des inculpés. D’abord celui de J. Anah

Auriez-vous eu besoin d’autres documents pendant l’expertise ? J.C. Rosenwald dit qu’à titre personnel il aurait souhaité avoir des contacts avec le physicien. P. Bey répond de la même façon.

Peut-on comparer Institut Curie et CH Jean Monnet ? Ces deux établissements n’ont pas les mêmes moyens humains et techniques.

Que faut-il faire dans ce cas (si les moyens ne sont pas adaptés) ? Quelle réponse médicale ? P. Bey dit qu’il a vu les deux aspects côté demandeur comme radiothérapeute et côté responsable d’établissement. C’est difficile de répondre. Au droit de retrait des professionnels en radiothérapie il dit préférer la discussion argumenté.

En 2004, est ce arrivé ailleurs à propos des doses EPID, filtre dynamique ? Pour J.C. Rosenwald non je ne crois pas. Le groupe 2 pour J.C. Rosenwald correspond à une dérive des pratiques. Par contre on n’était pas du tout dans une culture de déclaration des événements indésirables.

A propos du filtre dynamique comment expliquez-vous que des manipulateurs ont bien fait et d’autres non ? Pour J.C. Rosenwald une partie de la formation était faite par les pairs (les manipulateurs formés par le physicien) dans ce cas des dérives sont attendues.

Cette obligation de formation aurait-elle pu incomber à l’installateur de la machine ? Pour J.C. Rosenwald s’agissant des manipulateurs (pour la planimétrie) c’est le rôle du physicien pas du constructeur. Par contre, oui, le constructeur pourrait jouer un rôle d’alarme d’autant plus important pour les techniques modernes. Clairement pour J.C. Rosenwald le constructeur a sous-estimé le risque d’utilisation du filtre dynamique.

Comment prendre en compte la dose du matching (EPID) ? Ce n’est pas simple selon les deux experts de la prendre en compte en rapport avec la dose thérapeutique.

Avocat du docteur A. Des questions lapidaires à J.C. Rosenwald est ce que la prescription est faite par le physicien. Réponse Non. A P. Bey est-ce que vous avez des compétences en physique médicale ? P. Bey je comprends ce que me disent les physiciens. Et si problème sur le TPS ? P. bey répond que par la clinique, son expérience et le questionnement des « manipulatrices » il peut détecter des problèmes, ici écart d’UM de 20 %.

Selon P. Bey c’est un rapport de confiance entre physicien et radiothérapeute, c’est un binôme. Le physicien n’est pas un subalterne du radiothérapeute. C’est ainsi que cela fonctionne.

Ensuite l’avocat confond les documents issus du TPS et les documents de validation des séances. C’est rectifié par J.C. Rosenwald.

Concernant la découverte par le docteur A. de la mise en place des filtres dynamiques à son retour de vacances cela vous parait-il normal ? P. Bey dit que l’on ne doit pas se trouver dans cette situation en tous les cas que lui ne s’y serait certainement pas trouvé. Il souligne une nouvelle fois le climat de confiance nécessaire pour travailler en radiothérapie.

Pour J.C. Rosenwald la DIV est-elle à maintenir quand il y a un changement de filtre ? J.C. Rosenwald reste constant. La DIV ne constituait pas un préalable indispensable à la mise en service du filtre dynamique. Une vigilance particulière est nécessaire au démarrage.

Pour J.C. Rosenwald la formation des manipulateurs dans votre pratique comment auriez-vous fait à Epinal ? J.C. Rosenwald répond d’abord se former soi-même, ensuite identifier des personnes ressources, des référents ces derniers étant des garants supplémentaires.

Une dernière question pour J.C. Rosenwald de l’avocat du docteur A. sur « la responsabilité directe » (rapportée dans le rapport d’expertise demandé par le juge). J.C. Rosenwald dit regretter d’avoir parlé de responsabilité dans le rapport et qu’il s’agissait pour lui de transcrire une appréciation personnelle.

Pour J.C. Rosenwald cela se termine à 17h50. La fin de l’audience est consacrée à l’escalade de dose pour laquelle seul P. Bey sera questionné. 

Le président du tribunal questionne sur les bonnes pratiques en Lorraine ? A propos d’Oncolor (le réseau de cancérologie régional) ?

P. Bey reprend ses explications du début de l’audience, sur l’existence de référentiels. Il redit qu’il est difficile d’appréhender les limites d’une publication d’où le développement de l’analyse critique de la littérature. Apparition des SOR (Standards Options Recommandations) en France en 1993, suivis par l’élaboration de recommandations nationales HAS, INCa). Au début des années 1990 ont été créés les réseaux régionaux de cancérologie permettant de proposer des référentiels de pratiques basées sur le consensus pour les professionnels de la région. Il existe de petites différences entres les référentiels internationaux, nationaux, régionaux mais pas pour la prostate. A l’époque il semblait intéressant de pratiquer l’escalade de dose pour la prostate, demandant des prudences supplémentaires, c'est-à-dire « adapter l’agressivité des traitements à l’agressivité de la maladie ».

En réaction à ce que P. Bey a expliqué sur les conditions dans lesquelles on pouvait pratiquer l’escalade de dose, l’avocat général a demandé si, dans le cas d’Epinal ces conditions étaient remplies. Réponse P. Bey : pas d’inclusion dans un essai, pas de consentement éclairé du patient, pas de procédures renforcées d’AQ, notamment pas de suivi correct des patients…

Un avocat a argumenté sur la base des recommandations ANAES minimalistes, du libre arbitre du médecin dans la prescription, du risque de ne pas donner toutes ses chances au patient, pour essayer de faire dire à P. Bey que les prescriptions faites ne constituaient pas une faute en soi. P. Bey l’a admis en rappelant que ce point avait été évoqué principalement comme facteur aggravant des complications dus aux autres points. P. Bey est toutefois resté ferme sur l’attitude de prudence qu’il aurait fallu adopter en matière de prescription dans le contexte des pratiques d’Epinal.

P. Bey a par ailleurs souligné la difficulté d’interpréter les données de la littérature en donnant comme exemple une publication de l’époque du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (new-York) indiquant de bons résultats et un taux de complications acceptable à 80 Gy en 3DCRT (sans RCMI). Etonné, et s’étant rendu sur place, après discussion avec les physiciens, il a compris que sur la base de l’étude dosimétrique prévisionnelle, seuls les patients dont l’anatomie permettait un respect des contraintes étaient retenus pour ce type de traitement. Les autres étaient traités avec des doses conventionnelles. Ce point important n’apparaissait pas clairement dans la publication.