La séance débute à 13h40. Mme Françoise Lalande (inspectrice IGAS à la retraite) est appelée comme témoin.

Après le serment elle rappelle qu’elle a une grande expérience des crises sanitaires (sang contaminé, hormone de croissance et aussi accident de Toulouse). Son enquête administrative a été faite avec Guillaume Wack (ASN) à la suite d’un premier signalement pour 4 patients et à la demande du ministre de la santé Xavier Bertrand. Ce dernier est maintenant installé aux Etats-Unis et ne témoignera pas.

Elle souligne tout de suite une première difficulté avec la maigreur anormale des dossiers. Le suivi des malades n’était pas consigné dans les dossiers qui avaient été comme « nettoyés ». Ceci a été confirmé par les médecins qui ont repris l’activité du service après sa fermeture. On ne trouvait pas non plus la trace des échanges téléphoniques avec les spécialistes qui ont suivi les patients et fait des signalements. Pour son enquête, elle s’est adressée directement aux malades et à leur famille, ainsi qu’aux urologues. Elle a ainsi pu retrouver 23 patients concernés par l’erreur de « coin ». Le 24ème a été retrouvé par l’IRSN. Les causes de l’accident ont été vues avec Guillaume Wack.

Elle fait un rappel des principes de la radiothérapie conformationnelle et de l'utilisation des coins dynamiques. Selon elle, les motifs d’introduction des coins dynamiques ne sont pas critiquables (gain de temps de traitement et d’ergonomie pour les manipulateurs). Elle déclare que le physicien a probablement fait une erreur dans la première démonstration faite à une manipulatrice pour l’utilisation des coins dynamiques sur CadPlan et qu’il n’a fourni aucun document. Cette manipulatrice a elle-même transmis cette information erronée à 2 autres. Une autre démonstration, correcte celle-là, a été faite à d’autres manipulatrices, ce qui explique que certains patients ont été traités correctement et pas les 24. Les systèmes de contrôles : double-calcul et dosimétrie ne sont pas utilisés alors que c’était possible, ce qu’elle appelle une levée des barrières de défense. Elle déclare que le physicien médical est un excellent scientifique et que cette levée est difficilement compréhensible. Il est rappelé que CADPLAN est en anglais et qu’il n’y a pas de notice en français.

Est abordée ensuite l’excès d’imagerie de contrôle, découvert par l’IRSN de l’ordre de 6Gy cumulé. Une faible culture de l’assurance qualité est signalée (il est néanmoins signalé que le contrôle EQUAL a été fait en septembre 2005 sans écarts relevés). Joshua Annah est vu comme isolé, seul comme physicien, PCR et intervenant à la Clinique des Bleuets, travaillant en solitaire. Un 2ème physicien avait été envisagé mais il était difficile de recruter à l’époque.

Concernant le suivi des patients, « les médecins ne se sont jamais donnés les moyens de suivre les patients ». Elle a été très surprise d’autant que la faute technique (celle des coins dynamiques) n’était pas la leur. Des exemples sont ensuite donnés montrant que les médecins n’ont pas tenu compte des signalements qui lui étaient faits des complications. Les comptes rendus des endoscopies ne figurent pas dans les dossiers. Lors de l’inspection de routine de l’ASN en mai 2006 aucun n’incident n’a été signalé bien qu’une circulaire ait été envoyée au préalable demandant de déclarer tout évènement de radioprotection et que le Dr Aubertel en avait pris connaissance. Les médecins traitant n’ont jamais reçu d’information. 17 malades ont finalement été reconvoqués mais pas informés. Le Dr Sztermer a donné plus d’informations et a vu ses patients plus souvent. Un patient est décédé avant d’avoir eu l’information. Le suivi est jugé globalement désastreux puisque même des examens contre-indiqués ont pu être pratiqués.

Les motivations doivent se chercher dans la peur de la mauvaise réputation et l’usage déviant du secteur privé. 15% de tous les patients étaient traités en secteur privé ce qui conforme à la règle (20% max) mais 64% des patients traités pour la prostate soit 32% en valeur. Les traitements ont été évalués à 9200€ (dont la moitié liée aux contrôles par imagerie). La question de l’abstention thérapeutique pour des patients âgés asymptomatiques est posée.

L'audition se poursuit par des échanges entre le président et le témoin, les questions les plus pertinentes sont rapportées :

Le président :demande ensuite quelle a été l’évolution de la radiothérapie depuis Epinal. Le témoin : "hélas, l’accident a été bénéfique". 

Le président : Y-a-t-il eu un effort de recrutement et de formations des physiciens ? Le témoin : "Oui les effectifs étaient notoirement insuffisants."

Le président : Y-avait-il une présence continue de physicien pendant le traitement ? Le témoin : "Non et c’était contraire à la règlementation."

L'avocat général, citant la 1ère instance : Vous avez constaté non un manque de moyen mais d’orgainisation et de méthode. Le témoin : "Oui comme toutes les affaires sanitaires (sang contaminé, hormones …). Les éléments communs sont une méconnaissance de l’AQ et la surestimation de ses propres capacités, une absence totale d’évaluation. Il n’y a jamais un seul facteur."

L'avocat général : Le matériel est-il en cause ? Le témoin : "Oui puisque le remplacement de Cadplan par Eclipse a résolu le problème des coins."

L'avocat de Joshua Annah : Il n’y a pas eu de démarche active de « levée des lignes de défense » mais une impossibilité , ce terme est-il alors approprié ? Le témoin : "Oui"

L'avocat de Joshua Annah : Lors de la 1ère démonstration JA a-t-il fait une erreur ou la manipulatrice n’a-t-elle pas compris ? Le témoin : "la manipulatrice agit sous la responsabilité du physicien et du médecin."

L'avocat JA : Encore aujourd’hui, les manipulateurs ne sont pas sous la responsabilité des physiciens. 

Avocat Aubertel : le physicien agit-il sous la responsabilité du médecin ?

Le témoin : "il a son domaine propre".

A propos de la dosimétrie in vivo :

Avocat M. Aubertel : Pourquoi la dosimétrie in-vivo était-elle inopérante avec les coins dynamiques ? Le témoin : "Je ne sais pas"

Avocat M. Aubertel : Cela signifie qu’on a décidé d’arrêter – çà n’a plus été fait à compter du 15/05 pourquoi ? La personne en charge de ces mesures a-t-elle décidé d’arrêter à cause d’écarts trop importants ? Le témoin : "Je n’ai pas à commenter ces supputations"

Avocat M. Aubertel : N’était-il pas utile de faire des matching tous les jours ? Le témoin : Vous demanderez à M. Gourmelon (2nd témoin du jour)

Avocat Aubertel : Sans contrôle une erreur de positionnement jusqu’à 5 cm peut être faite. Le témoin : "L’explication vient du Z30"

Le Dr Aubertel se lève pour dire que seul 3 contrôles par semaine étaient remboursés.

 

L'audience se poursuit par l'audition du second témoin du jour, le Pr Gourmelon, médecin et directeur du service de radioprotection de l'homme de l'IRSN, aujourd'hui retraité.

Le témoin rappelle le contexte de son inspection où l'IRSN a été saisie pour une analyse technique et médicale, d’éventuelles propositions thérapeutiques pour les patients- l’IRSN a des moyens importants : des physiciens, des dosimétristes- il ne s’agissait pas en premier lieu d’une enquête administrative.

Selon le témoin, l’erreur d’Epinal 1 (coins dynamiques) est venue sur un fond de mauvaises pratiques et de manque de rétro-contrôles. L’équipe a voulu bien faire avec les matching (Epinal 2) mais il fallait compter la dose. Par ignorance ou incompétence ils ont pensé que c’était négligeable. Ce qui laisse penser que c’est un problème de compétence c’est qu’en 2006 ils ont retiré 3 séances au lieu de soustraire la dose à chaque séance. Le témoin explique ensuite comment les services de l'IRSN ont trouvé le 24ème patient. Les fiches de suite de ce patient ont été maquillés par une personne qui n’a pas bien su le faire.

Le témoin affirme également qu'on ne pensait pas qu’un tel accident pouvait se produire dans la communauté de la radiothérapie. La gestion des machines complexes méritent un cadre particulier comme pour la pharmacie centrale. Les physiciens doivent être indépendants des services et être regroupés. A Epinal, c’était une équipe isolée.

Comment une telle équipe a-t-elle pu se lancer dans l’IMRT ? C’est un déficit de culture de sureté. En plus ils ont essayé l’escalade de dose. Pour nous cet établissement n’avait pas les ressources humaines pour faire cela.

L'audience se termine, l'audition du patient se poursuivra vendredi 14 novembre.