Début à 14h20 pour cause de panne Internet à Epinal, non réparée, donc audience sans retransmission à Epinal. 20% d’occupation de la salle, comme les autres jours. Notons la présence de Me Jean Reinhart avec Me Le François. 6 journalistes en mezzanine.

Ce jour, le programme de l’audience est constitué des plaidoiries des parties civiles.

 

L’audience du jour :

Me Weltzer commence par énoncer nominativement les victimes décédées, en précisant les dates, dont le décès par suite des sur-irradiations est avéré par les expertises, puis les autres victimes (ceux dont les liens entre décès et sur-irradiation n’ont pas été expertisés). Me Weltzer cite ainsi bien plus de noms que ceux mentionnés dans la procédure.

Me Weltzer raconte le début du dévoilement de l’affaire, avec un premier dépôt de plainte, puis le relais de la presse souvent décriée, pour ce qu’il qualifie de « 1ière catastrophe mondiale de sur-irradiation ». L’AVSHE se crée en 2007, il salue leur dignité, leurs actions, loue les 3 administrateurs de l’association présents dans la salle.

Me Weltzer fait comme en 1ière instance, il raconte les actions de l’AVSHE, leurs démarches et rencontres multiples, dont celles à Paris avec la ministre Bachelot, le comité de suivi créé…

Il parle des avances de l’ONIAM, 10 000 euros par victimes, les patients dépensant 300 euros par mois de couches. Ensuite, la compagnie d’assurance remboursera l’ONIAM et indemnisera les victimes.

Le Dr Simon arrive sur un terrain difficile, où la confiance avec le monde médical était cassée. Me Weltzer précise que la quasi-totalité des radiothérapeutes font correctement leur travail. Le Dr Simon réconcilie les patients avec la médecine, il les voit un par un, il fait « un travail remarquable ».

Me Weltzer rend hommage aux victimes, aux femmes de victimes qui sont venus à Paris suivre les audiences malgré leurs peines, leurs séquelles. Il salue la femme de Ph. Stäbler, président de l’AVSHE et victime.

Me Weltzer loue le travail de l’instruction, qui n’a pas aboutie au non-lieu. Le statut de sur-irradié a été reconnu, c’était le premier but.

Me Weltzer revient sur la « chronique d’un accident annoncé ». « 20 ans d’autarcie, 20 ans de négation de la médecine »… il cite les propos de Mr Gourmelon, Mme Lalande, du Dr Simon,… tous l’ont dit à la barre. L’ambiance était très mauvaise à Epinal en radiothérapie.

Il en vient à la procédure d’appel, à la conduite de JA qu’il décrit vis-à-vis de la démarche adoptée pour la mise en œuvre des filtres en coin dynamiques (Mme Robert vient le voir, disant qu’elle a moins de travail, « et on y va »…) en se justifiant sur l’absence de textes. Me Weltzer dit qu’il ne forme pas, ne comprend rien, partait de la pièce lorsqu’il formait… Me Weltzer dit qu’il n’y avait pas de nécessité ni d’urgence à changer de technique, à faire cette évolution. Me Weltzer insiste sur les défauts de formation de JA justifiant que la formation revenait aux radiothérapeutes, évoque le témoignage de Thierry Sarrazin présenté comme président du syndicat. « On ne vérifie pas, on retire le thermomètre lorsque la température est trop élevée ». Il cite JA « J’ai validé trop vite », insiste que ce n’est pas possible. Me Weltzer regrette de ne pas avoir posé la question à Thierry Sarrazin si c’est son travail de « soustraire des feuilles », de dire « on est mort »…

Il résume : on change une méthode sur un « outil nucléaire » (il emploiera souvent ce terme), « on ne forme pas », on « forme mal », « on ne vérifie pas », « on triche »… La culpabilité de JA du passage des filtres dynamiques aux EDW est incontestable pour Me Weltzer, même si ces infractions sont involontaires.

Il en vient au « on est mort », dit que soustraire les doses des matching était du « B-A BA » du métier de physicien… M Aubertel et J. Anah se renvoient la patate chaude, « un interne du CAV voyait que ces images produisaient des doses à soustraire », « les MERM aussi »… « Pourtant ils n’étaient pas radiophysicien ni médecin ». JA agissait trop vite, même MA le pensait.

« Cerise sur le gâteau », JA propose aux médecins de trafiquer les fichiers. Il en vient ensuite aux tentatives de mettre les fautes sur les MERM.

Me Weltzer en vient à MA, qui un jour dit qu’on parlait des filtres en coin dynamiques aux réunions du matin, l’autre jour  dit qu’il n’en voulait pas, qui part en vacances… MA ne s’est pas opposé aux filtres EDW. Il rentre de vacances, s’aperçoit qu’on est passé aux filtres en coin dynamiques, ne vérifie pas, alors qu’on est avec un outil « nucléaire, dangereux ». Me Weltzer ironise sur les divers témoignages disant qu’à l’époque, on ignorait tout des démarches de l’AQ. « MA ment » et JA se réfugie derrière les textes des MERM placés sous la responsabilité des RT.

Dr Bigard, se rend compte qu’il se passait des choses anormales, passe un coup de fil, et se fait dire qu’il n’y connaissait rien, qu’il avait affaire à une RC3D de haute qualité. Il fallait qu’à Epinal ils montrent qu’ils étaient « en avance sur leur temps, meilleurs que les américains »… « ils ne se remettaient jamais en cause ». Des physiciens de l’IGR (Villejuif) et de l’Institut Curie (Paris) venaient voir comment ça marche à Epinal… et on sur-irradiait déjà ! Il parle d’orgueil des radiothérapeutes et du physicien, « dans une tour d’ivoire inaccessible », s’appuie sur la concurrence avec le CAV. Ils avaient un soif d’orgueil.  Les MERM agissent sous le nom des radiothérapeutes, mais MA ne vérifie pas, ne forme pas. Il revient sur les déclarations des experts citant la « négation de la médecine ». Il revient sur celle de Mme Capelli qui dit que « l’on minimise ».

Me Weltzer répète, « on ne vérifie pas, on ne forme pas… avec un outil nucléaire dangereux ». Cette phrase sera citée plusieurs fois dans sa plaidoirie.

Sur le Dr Sztermer (JFS), Me Weltzer évoque les mêmes arguments, « il nie », « dit que c’est les autres, les généralistes qui mentaient ». Comme MA, « il ne forme pas, ne vérifie pas, alors que la loi comme le bon sens le lui dictait ». « Il faisait confiance à JA ». « C’est consternant ».

Me Weltzer parle aussi du suivi des patients par les autres spécialistes, pas les généralistes. Il évoque également les articles législatifs mettant les MERM sous la responsabilité du médecin en mesure d’intervenir à tout moment.

Me Weltzer fait également le parallèle avec Toulouse, non-lieu pour l’un, renvoi pour l’autre, ce qui est très démonstratif pour Me Weltzer des responsabilités. Il réfute la qualification de « risque potentiel » pour « l’outil nucléaire » (en parlant de l’accélérateur linéaire) en lieu et place du « risque avéré », et en revient à la formation non assurée des MERM.

Me Weltzer énonce des chiffres d’activité en radiothérapie, en termes de nombre de patient par an, pour en conclure que l’activité à Epinal n’est pas un argument valable selon lui pour expliquer les faits.

Me Weltzer rappelle que Mme Capelli ne savait pas qui était dans le service de radiothérapie, « mais elle a informé les patients ». Il parle aussi de Mr Sans, de sa non-réaction, et remarque au passage qu’il est le seul à ne pas être présent dans la salle. Me Weltzer dit que s’il avait fait son travail, il n’y aurait pas eu toutes ces sur-irradiations. Il se dit « consterné ». Il dit que s’il y avait relaxe, ce serait un très mauvais signe pour toute la discipline de radiothérapie. Il revient encore sur le manque de formation, la triche, le mensonge…

Me Weltzer évoque les questions d’argent, l’activité privée menée au CHJM par les radiothérapeutes, la « préservation de la clientèle » avancée par Mme Capelli à propos de MA. Me Weltzer dit que le monde médical n’est pas solidaire de ce qu’il s’est passé à Epinal, qu’il faut confirmer leur culpabilité, que le faire est une preuve de respect pour le monde médical.

 

La pause usuelle de 20 minutes intervient à 16h00, à l’issue de la plaidoirie de Me Weltzer

 

A la reprise, un avocat prend le relais pour les victimes, exposant que rien n’effacera les séquelles, que les victimes ne retrouveront pas une vie normale.

Il dit que les victimes veulent une application du droit, obtenir indemnisation intégrale des préjudices causés par les fautes commises. Il dit que si les préjudices corporel ont étés sujet à indemnisation, le préjudice d’anxiété ne l’a pas été.

En action civile, les victimes veulent que tous les responsables supportent ces indemnisations, dont les intimés, les responsables administratifs.

L’avocat expose les angoisses des victimes face à des séquelles qui peuvent survenir après plus de 20 ans, donc génératrices d’angoisses. Il évoque le préjudice d’angoisse statué par la cours de cassation, par l’arrêté du 11/05/2010. Ces angoisses augmentent, sont accrues par les fréquents examens médicaux des victimes. Il faut donc appliquer la jurisprudence de la cours de cassation et de la cours d’appel.

En ce qui concerne les activités privées, selon l’arrêté de la cours de cassation, le médecin est responsable devant le juge. Tous les patients à Epinal ont été traités à la fois en privé et en public. La direction ne le savait pas, la radiothérapie était « un état dans l’état ». La radiothérapie faisait ce qu’elle voulait, il faut donc appliquer la jurisprudence, appliquer le droit pour reconnaitre les indemnisations.

L’avocat revient sur le passage aux filtres en coin dynamiques, à la formation, à la supervision des MERM par le radiothérapeute… il expose que les radiothérapeutes n’ont pas assumé leurs rôles et leur fonction, et rappelle ainsi les propos de « négation de la médecine », donc ils sont responsables. Il en fait de même pour le physicien, à propos de ses rôles et fonction, comme par exemple lorsqu’il cite « les dissimulations de preuve ».

A propos de Mr Sans, il n’a utilisé aucun des pouvoirs dont il disposait pour aider les victimes, comme les autres administratifs. Leurs fautes sont « détachables ». L’avocat dit que les fautes des prévenus et des intimés sont « détachables », et qu’il faut appliquer le droit comme le demandent les victimes.

 

Une troisième et dernière avocate prend le relais, et commence par évoquer le cas de M. Vauthier. Elle lit un de ses courriers décrivant son parcours, depuis la découverte de son Cancer jusqu’à sa perte de confiance en la médecine. Il a été traité en 2001, avec de multiples interruptions dues à des saignements et diarrhées, sans rencontrer un radiothérapeute ni un physicien pendant ses séances. « Il s’est senti abandonné ».

En 2003, il subit 3 biopsies, il a une rectite radique sur 5 cm du bas-rectum. Il apprendra ensuite qu’il est victime d’un accident, sur-irradié à 8%.

Ses complications d’aggravent, elles sont multiples, il souffre. Il est condamné à vivre dans un milieu médicalisé. Il vit ce procès en appel comme « un coup de poignard ». Il veut comprendre les causes de ces accidents, et énumère les reproches déjà cités lors des précédentes plaidoiries. Il dit que sa vie est en sursis, qu’il a perdu sa dignité et sa tranquillité.

L’avocate évoque ensuite le cas d’une autre des victimes, venu à la barre durant le procès. Elle raconte également son histoire. « Il est détruit à vie », « il a des pertes de sang »… dit-elle. Il ne pourra pas guérir de ses complications. Son épouse aussi a subi des préjudices.

L’avocate évoque le cas d’une troisième victime, qui a reçu 37 séances en 2003, sans suivi pendant son traitement. Il a eu des hémorragies abondantes, fréquentes, jusqu’à en devenir anémié. En tout en pour tout, en cumulé il aura reçu 38 poches de sang pendant les suites de la radiothérapie. Il se fait retirer le sigmoïde, mais inutilement. Les souffrances persistent. Il aura 3x20 séances de caisson hyperbare, mais rien n’y fait, il reste très douloureux. Il subit tout cela pendant 2 ans, sans aucune explication de la part des radiothérapeutes. Maintenant, il n’ose plus sortir, ne pratique plus ses loisirs (équitation), n’ose plus voir ses amis. Il est « blessé à vie, physiquement et psychologiquement ». Il apprendra en 2007 par courrier les accidents.

Enfin, l’avocate parle du cas de Mr Bazin, le 24ième patient de la cohorte 1. Il symbolise pour elle la « négation de la médecine », en évoquant entre autres les « dissimulations et falsifications », son ajout tardif à la liste des 23 autres patients. Il a appris l’accident par la presse, n’a jamais été informé ni par les radiothérapeutes ni par l’hôpital.

Il était bûcheron et maçon, un homme actif. Elle relate son parcours. Il devient « l’ombre de lui-même ». Il a des traitements morphiniques, des hémorragies, ses capacités physiques sont grandement diminuées. Il va déprimer, ses douleurs étant indescriptibles et persistantes. Au lieu d’aller voir le médecin un matin, il finira par se suicider le 7 juillet 2010.

Fin de l’audience, 17h15.