C’est la dernière audience prévue par le Président du tribunal. Il y a plus de public que pour les audiences précédentes, la salle à Epinal est pleine au début, puis se videra peu à peu au cours des plaidoiries et de l’heure tardive.

Il y a des journalistes et caméras (mais pas de film ni d’enregistrement dans la salle).

 

L’audience s’ouvre à 13h40. La parole est aux défenses de Messieurs Sans, Anah, Aubertel et Sztermer. C’est l’ordre dans lequel les conseils se sont accordés pour plaider.

 

La première plaidoirie est faite par l’avocat de Monsieur Sans, ancien directeur de l’ARH à l’époque des faits :

Il dit que les victimes sont venues pour comprendre pourquoi le remède médical s’est transformé en « arme de destruction ». « Ils se sont rendus à Jean Monnet comme à l’église, avec une confiance aveugle, dans ce temple de la médecine où les grands prêtres en blouse blanches officient, dans ce temple de la médecine, où la médecine s’est transformé en ghetto ».

Comme la justice, la médecine peut se tromper, « preuve en est du réquisitoire ».

« Jacques Sans, irréprochable, au service de l’administration, a toujours fait son travail ». L’avocat raconte son cursus et curriculum vitae impressionnant. Il raconte qu’il a perdu l’un de ses 3 enfants, écrasé par une voiture : cela l’a marqué à vie. Il passe le concours d’entrée à l’ENA, puis devient préfet des Landes en 2000-2003. Toute sa vie professionnelle a été consacrée à s’occuper de l’humain. Il cite des situations auxquelles J. Sans a eu à faire face : explosion de silos….

Il évoque la tempête dans les Landes qui a engendré un évènement (incident) à la centrale nucléaire de Blaye. Contre l’avis des spécialistes, il donne l’alerte et réveille le ministre. Il lui sera reproché plus tard d’avoir donné l’alerte pour rien.

Toute sa vie, il fut confronté à des situations difficiles, « certaines pouvant être gérées localement, d’autres non ». L’avocat évoque les parapluies que ses supérieurs et subordonnés déploient et « empilent comme des poupées russes ». Il dit que Jacques Sans « garde pour lui les patates chaudes, il ne les renvoie pas ».

En 2003, il prend la direction de l’ARH de Lorraine, avec la mission en 3 ans de faire le SROS pour que chaque lorrain puisse recevoir des soins de qualité. Cette mission nécessite beaucoup d’éléments et de qualités, précise l’avocat. Il fait allusion à un fait récent, datant d’une semaine, où une maman a perdu son enfant car l’hôpital était à plus d’une heure de route. « Cela ne pouvait pas se produire en Lorraine car Jacques Sans a fait en sorte que les soins ne soient pas à plus de 30 minutes, avec des soins de qualité pour tous ».

Jacques Sans cherche l’efficacité : « c’est son sens du devoir, au-delà des textes ».

A l’ARH, il s’entoure d’un médecin conseil de santé publique pour palier ses lacunes et ses incompétences en médecine. Il se rapproche de la DDASS pour prévenir une situation de crise majeure, et élabore une note à cet effet.

Jacques Sans va prendre son travail « à bras le corps », « élaborer le SROS » avec seulement 12 personnes pour 142 établissements, 2.5 milliards d’Euros de budget, 30800 salariés, 2.3 millions d’habitants, 11000 lits de malades, etc. (il abreuve la salle de chiffres), tout cela avec 12 personnes dont lui-même.

« Quel fut le rôle de jacques Sans dans le déroulement de la catastrophe d’Epinal ? », « Quelle catastrophe ? », « pas celle de Joshua Anah qui cherche à cacher ses tricheries à propos des images portales ». Il cite la phrase « on est mort » qu’il aurait échangée avec Alain Noël au téléphone. L’avocat va dans le sens de Me Welzer, au sujet du vocabulaire d’expert : « groupe de personne, pas cohorte ». « Pour quelle catastrophe ? », « pour le groupe 2, victimes de non prise en compte des doses des matching ? ». « Impossible » dit l’avocat, car Jacques Sans n’était plus directeur de l’ARH en 2007 (et cela depuis 1 an et demi) lors de la découverte de ce groupe. Il ne pouvait pas non plus le savoir en 2005, « car personne ne le savais à ce moment-là ».

Il fait allusion à Mme Cappelli, ses louanges envers les 2 radiothérapeutes et le physicien dans son courrier (il fait allusion au passage où elle rend hommage à leur transparence et conscience professionnelle). Pour les 2 radiothérapeutes, il dit qu’ils ont « confondu serment d’Hippocrate et serment d’hypocrite ».

« A qui Jacques Sans n’a pas porté assistance ? ». L’avocat dit que « le sujet est clos avant même de l’avoir abordé ». « Donc cohorte 1 ! 22 victimes à l’époque, même pour 1 victime c’était déjà trop… » Et il expose « on n’est pas en 2005 face à la plus grande catastrophe de radiophysique du monde » (notons qu’il ne parle pas de radiothérapie, mais de radiophysique).

L’avocat répète que Jacques Sans est au « banc de l’infamie ». Il précise que Jacques Sans relie chaque passage des échanges de correspondance avant de les signer, « il est consciencieux ». L’avocat procède alors à la lecture du courrier reçu par Jacques Sans, provenant du CH Jean Monnet (Mme Cappelli) et contenant un rapport du Dr Aubertel. Ce courrier de 2005 dit que « tout va bien », et cela est confirmé par Mme Cappelli. « Circuler, y’a rien à voir » répète encore l’avocat en référence à ce courrier.

L’avocat revient sur ce courrier, précisant que sur les 22 patients concernés, 4 patients auraient des complications. L’avocat parle du « droit à l’erreur » qui est évoqué, pour mettre en avant l’esprit critique de Jacques Sans qui calcule rapidement que 4 sur 22, cela fait plus de 20% de complications, non pas 3% comme le disait le courrier de Mme Cappelli. Jacques Sans demande alors à Mme Picquet (médecin inspecteur de santé publique) ce que veut dire « rectite radique », il réagit donc rapidement, « tout de suite », en demandant explications. L’avocat continue sur la lecture du courrier de Mme Cappelli qui évoque « la transparence » des radiothérapeutes et du physicien. « Jacques Sans ne pouvait pas savoir qu’ils n’étaient pas transparents ». L’avocat expose que Jacques Sans ne comprenait pas, mais qu’il ressentait que quelque chose c’était passé…

L’avocat précise qu’ « aucun argument ne permet de retenir une responsabilité pénale », car un délit est intentionnel selon la cours de cassation. Il poursuit avec le « délit involontaire de porter secours », celui de « non-assistance à personne en danger ». L’avocat va développer sur la notion de « péril imminent » (sa signification au niveau du droit  sera utilisée tout le temps durant cette audience par les différents conseils pour démonter la charge de non-assistance à personne en danger, pour démontrer qu’elle ne s’applique pas au cas présent et qu’elle est mal adaptée au monde de la médecine).

Sur le péril imminent, « qui veut dire urgence », l’avocat dit qu’il fallait « lancer une bouée aux malades », donc « pas besoin de demander, ni de faire une réunion… « il fallait la lancer ! » s’exclame-t-il, avant de préciser « le péril suppose un évènement futur ! ». L’avocat lit « l’hôpital a détecté une erreur… le remède a été apporté » (en mai 2005, il précise). « Le risque ne peut donc se reproduire. La surveillance est confiée à des médecins de déontologie exemplaire ». L’avocat conclue alors : « le risque est au passé composé ».

« Jacques Sans s’abstient-il ? ». Jacques Sans lit les lettres, cherche à comprendre, remarque les problèmes de statistique dans la lettre de l’hôpital, demande à Mme Picquet (médecin conseil) de lui expliquer : « ce sont des actes positifs ». Cela va plus loin,  ARH et DDASS organise une réunion le 5 octobre 2005 : « une réunion de dupe » dit l’avocat, « les décisions ne seront pas respectées par l’hôpital ».

Il revient sur les propos de Mr Aubertel et ses craintes d’alerter des malades qui ne présentent pas de complication. L’avocat précise alors qu’il s’agissait de « prévenir les médecins traitant, pas les malades ».

L’ARH, avec la DDASS, va prévenir la DHOS. « A-t-on poursuivi la DHOS pour ne pas avoir fait son travail ? ». « La DHOS est prévenue par Mme Maynard en octobre 2005 ! » s’exclame très fort l’avocat. « Jacques Sans a le sens, plus que quiconque, du devoir et de l’information ». Il explique encore le sens de Jacques Sans vis-à-vis des crises sanitaires : « …400000 accidents nosocomiaux, dont 18000 décès ».

Il répète que Jacques Sans « ne lance pas des patates chaudes, n’ouvre pas de parapluie » : il a le sens des responsabilités, « il a été victime comme tout le monde des cachotteries des médecins ». L’avocat cite Mme Pillon (médecin conseil) : « l’accident n’est pas identifié comme une crise ». Il cite également les autres médecins conseils. « Personne ne considère qu’on est en présence d’une crise, mais Jacques Sans, qui n’est pas médecin, aurait dû le savoir ! » (Il s’exclame à nouveau en ironisant). L’abstention de Jacques Sans n’est donc pas volontaire, l’avocat dit qu’il est devant un tribunal compétent, « on ne fait pas n’importe quoi comme à Jean Monnet, on n’est pas à Epinal ici ».

Il revient sur le courrier du 16 septembre 2005 qui ne porte que sur la nécessité de gérer un problème de communication (ce serait Mme Cappelli qui fait cette demande).

L’avocat dit que cette analyse, impossible à l’époque, peut aujourd’hui être faite : « Mme Cappelli a prévenu la SHAM, mais pas les victimes… crise sanitaire ou crise de management ? ». Il précise que c’est « une crise de management ».

Il revient sur le SROS, au sujet duquel Jacques Sans a accordé des budgets pour agrandir Jean Monnet. Il souligne ses qualités professionnelles.

L’avocat comprend que les valeurs humaines de Mme Cappelli justifient la relaxe, mais pas ses arguments « quand elle dit qu’elle était isolée ». « L’état dans l’état » : c’est le premier facteur de mise en danger, c’est donc un dysfonctionnement majeur du centre hospitalier qui a empêché de prévenir les malades. « Rien ne vous regarde Mme Cappelli » lui dit-on quand elle veut les listings.

L’avocat dit que le Président du Conseil d’Administration du centre hospitalier a fait une seule réunion, « un an plus tard seulement », lorsque la presse et les médias étaient au courant et que tout le monde savait. « Il s’agissait donc de gérer un problème de communication ! ». Le CA de l’hôpital ne cherchait qu’à gérer un problème de communication, pas la situation proprement dite sur les accidents, car c’était bien trop tard.

La CME : le Dr Huttin, prévenu le jour même, un médecin qui sait ce qu’est la radiothérapie et ce que sont les rectites radiques… « Rien fait, car les radiothérapeutes ne voulaient pas participer à la CME ». L’avocat déclare : « la responsabilité de l’hôpital est écrasante ».

De 2005 à 2006 : « circulez, y’a rien à voir » répète-t-il… Au sujet du second courrier de Mme Cappelli, « 9 mois plus tard », elle dit que 11 patients ont des complications. « Silence…  avez-vous fait des déclarations ? »… « Non, rien… ». L’avocat affirme donc qu’il y a « responsabilité de la personne morale ». « Pas un mot à la HAS… elle ne dit rien à Jacques Sans. En 2005, elle parle juste de « rigueur juridique ». En 2006 : « pas d’accident, dit-on à l’ASN 6 mois plus tard ».

L’avocat conclue donc que la décision de condamner Jacques Sans ne serait ni équitable ni conforme à la loi. L’avocat cite son cas personnel, un accident qu’il a vécu et qui a nécessité 21 opérations… « Raison pour laquelle je défends Jacques Sans » dit-il.

 

La seconde plaidoirie est faite par l’avocat de Monsieur Anah,  Me Eric Le François :

Il débute en exposant la situation de la physique médicale à l’époque, et avant les faits, ainsi que les alertes faites aux pouvoirs publics. « Le 3 avril 2002, grand salon du ministère de la santé… ». L’avocat parle de « SOS », « bouteille à la mer »…  Il fait référence à « L’audit de la radiothérapie conduit par la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie en décembre 2001 », et au « rapport 2001 du 18 juin 2001 sur la physique médicale établi dans le cadre du Plan Cancer 2000-2005 ».

 

Ces avertissements ont débouché sur la circulaire de 2002, mais aucune mesure des pouvoirs publics ne sera prise jusqu’aux accidents (Lyon, Grenoble, Tours, Epinal puis Toulouse. Il les cite tous). Il illustre en citant les lettres de l’ASN et leurs rapports depuis 2007, pour montrer qu’il n’y avait rien eu avant. L’avocat dénonce fortement les carences des pouvoirs publics.

« Il ne faut pas rêver notre médecine » dit-il, « les professionnels font ce qu’ils peuvent avec les moyens du bord ». « Fallait-il démissionner ? Ne plus traiter ? ». L’avocat précise à regret que les pouvoirs publics sont rarement sanctionnés.

Il revient sur « l’orgueil » évoqué lors de la plaidoirie de Me Welzer. Me Le François y voit plutôt de l’humilité d’avoir arrêté l’IMRT, « conscients de leurs limites ». Il évoque la volonté de rendre les séances de traitement moins pénibles pour les patients, d’où la technique des filtres dynamiques. Il souligne avec détails que cette technique des filtres dynamiques n’était aucunement innovante en 2004, et cite des exemples de Centres les ayant mis en œuvre bien avant : Institut Claudius Regaud à Toulouse (avant 2000), Institut Curie (avant 2000), Bordeaux (2002), Centre Alexis Vautrin (en 1999), Centre Oscar Lambret (1996)…

Sur la désinvolture prétendue du physicien, l’avocat souligne les travaux effectués le soir et le WE par Joshua Anah. Il souligne aussi qu’il n’a pas été relevé pendant les audiences que les manipulateurs l’appelaient par son prénom, « Joshua », ni que pour Joshua Anah il n’y avait aucune différence entre les actes côtés en public et ceux côtés en privé.

L’avocat dit qu’il y a eu une lecture erronée des éléments du dossier.

Sur les matching et les soustractions des feuilles, ces feuilles indiquaient les déplacements effectués, les corrections de positionnement des patients. Il explique méthodologiquement l’importance du positionnement pour le cas de la prostate, petit volume en contact d’organes à risque, d’où le nombre de fois où il est nécessaire de repositionner le patient. L’avocat précise que sur les feuilles de traitement, le nombre de matching avec les UM étaient inscrits, contrairement aux feuilles de matching. Il donne une photocopie d’une feuille de traitement aux 4 juges, en expliquant que les experts avaient ces feuilles, donc qu’il n’y a pas eu de dissimulation. Il fait à ce sujet référence au courrier d’Alain Noël qui précise que les IP sont reportées sur ces fiches ! (il s’exclame).

« Les experts se sont focalisé sur des erreurs de dosimétrie, donc pas sur la colonne des IP qui était présence sur les fiches de traitement ».

L’avocat rappelle que Joshua Anah a toujours obéi aux radiothérapeutes, que les feuilles de matching avaient été déplacées car elles n’avaient rien à faire dans le dossier médical, mais que leur place était plutôt dans le dossier technique.

Sur la modification de la fiche de Monsieur Bazin : à la demande de Mr Aubertel, Joshua Anah a fait une copie, non signée, de la fiche d’impression des « petits calculs ». Il n’y a pas eu de modification de la base de données. L’avocat dit « qui croire ? La parole de Mr Aubetel serait-elle plus importante que celle de Joshua Anah ? ». S’il avait voulu tricher, il aurait signé cette feuille. Sur la possibilité de trafiquer cette feuille, il dit que c’est comme la possibilité évoquée par les radiothérapeutes de ne pas déclarer.

L’avocat passe ensuite aux causes de l’erreur. Il précise et argumente que ce n’est pas le paramétrage du TPS qui est en cause, et met en avant le travail préparatoire de Joshua Anah à ce sujet. Ce n’est pas le calcul qui est en cause (il explique avec précision le choix des cases à cocher pour sélectionner les filtres en coin). Il précise bien que quelle que soit le filtre la case cochée, le calcul était juste, et l’impression était correcte. C’est donc à l’étape suivante qu’apparait l’erreur, lors de la saisie dans le logiciel des « petits calculs ».

« Cette erreur de saisie est due à la mauvaise ergonomie de CADPLAN, ce qui explique la mauvaise retranscription ». Il explique que CADPLAN était « en fin de vie ».

« Epinal est donc une erreur de retranscription ».

« Joshua Anah n’est pas responsable des manipulateurs ». L’avocat se réfère au CSP, et au décret de 1997 de compétence des manipulateurs. L’avocat explique aussi la dépendance médicale des manipulateurs, en s’appuyant sur le CSP. « Au lieu d’affecter un manipulateur en dosimétrie, ils ont fait tourner ». « S’il y avait eu un manipulateur affecté, y aurait-il eu Epinal 1 ? ».

L’avocat demande de prendre en compte les moyens qui étaient disponibles.

Il expose que Joshua Anah n’a pas mis en œuvre les filtres dynamiques sans concertation. Tout le service était au courant des travaux de Joshua Anah le soir. Ces informations étaient données lors des réunions du matin. Tout le monde savait que Monsieur Constant (premier patient) a été traité avec des filtres dynamiques, avec l’accord du Dr Sztermer, sauf Mr Aubertel qui l’a appris ensuite à son retour de congés. Aucun des patients du Dr Aubertel n’avait encore été traité ainsi, avec les filtres dynamiques : « il lui aurait donc été possible de l’interdire ». L’avocat en conclue que les radiothérapeutes ont pris ensemble la décision, Joshua Anah a informé, puis formé… « On ne peut donc lui reprocher l’absence de concertation ».

A propos de la formation, l’avocat se réfère à l’arrêté du 19 novembre 2004 et cite « … participe à la formation … ». Il précise qu’il n’y avait aucun texte auparavant, « c’était donc l’habitude de chaque service qui faisait usage », et il explique celles à jean Monnet (les roulements…) tout en précisant que ce mode de fonctionnement n’était pas optimal. Il revient sur le décret de 1997 relatif aux manipulateurs, où leur « participation à la formation » est inscrite. Il précise à nouveau que Joshua Anah était disponible (il revient sur le fait que les manipulateurs l’appelaient par son prénom). L’avocat en conclue qu’ « à l’égard des textes de l’époque, il appartenait à tous de participer aux actions de formation ».

A propos des vérifications que Joshua Anah devait mener, l’avocat met en avant le manque de temps, et évoque les absences de procédures qui lui sont reprochées : « à l’époque, personne ne pensait ni ne savait où une erreur était possible, il est donc difficile de reprocher à Joshua Anah de ne pas avoir fait une procédure pour une case à cocher ».

Il évoque les interventions F. Carbillet pendant les absences de Joshua Anah, pour démontrer que sans 2ième physicien médical, il n’y a « pas de validation sereine possible ».

L’avocat passe au sujet des suppressions des lignes de défense :

  • Sur le logiciel de second calcul des UM, il précise qu’il a été développé par Joshua Anah, et qu’il aurait fallu un nouveau développement lors du passage aux filtres dynamiques. « Ce n’est donc pas une suppression, et une évolution d’un logiciel maison était déconseillé à l’époque, d’où l’acquisition conseillée d’un logiciel marqué CE ». L’avocat cite également des rapports officiels préconisant l’acquisition d’un système Record & Verify. Il conclue sur ce point : « ce logiciel maison aurait dû être remplacé, pas adapté. La demande avait été faite ». Il précise en outre qu’en 2005, d’après le premier rapport de l’observatoire national de la radiothérapie publié en 2006, « 75% des centres avaient un Record & Verify, donc ils l’avaient avant 2005… ».
  • Sur la dosimétrie in vivo, il précise que cette technique était peu pratiquée à l’époque. Il précise bien, également, que la dosimétrie in vivo ne fonctionne que si elle est paramétrée. Joshua Anah avait installé la dosimétrie in vivo pour les filtres statiques, pas pour les filtres dynamiques vu ses premières mesurées car la majorité des physiciens disaient qu’il fallait du temps pour cela. L’avocat donne des chiffres : « … quasiment aucun centre n’avait de la dosimétrie in vivo : 99% des patients étaient traités sans dosimétrie in vivo. Plus de 70% des centres en 2006 étaient sans dosimétrie in vivo ». Il en déduit que « cela justifie qu’il n’y a pas eu de faute », et s’appuie sur les écrits du rapport de P. Bey et Jean-Claude Rosenwald où il est précisé qu’à l’Institut Curie, « les filtres dynamiques ont été mis en œuvre sans dosimétrie in vivo et sans logiciel de double calcul des unités moniteurs ». « Joshua Anah n’avait pas les moyens de mettre en place la dosimétrie in vivo pour les filtres dynamiques ».

L’avocat fait un résumé de tous ces éléments, en se basant principalement sur les moyens, matériels, et temps dont Joshua Anah disposait.

Il parle aussi de « choix décisionnel » qui relève de la « causalité directe » dans le monde médical (il cite la jurisprudence). Pour les images portales, il dit que c’est une décision médicale, et appuie son affirmation par les cotations privées de ces images. Pour l’escalade de dose, il dit que ce sont des prescriptions médicales. Pour le matching, il prédise que Joshua Anah avait demandé d’en diminuer le nombre (il s’appuie sur le témoignage du technicien de la Société Varian et des manipulateurs). Il en conclue donc que c’était bien les médecins qui voulaient ces matching quotidiens.

L’avocat revient sur les physiciens médicaux et les besoins exprimés à la barre, notamment au sujet de l’indépendance de la physique médicale exprimée par le Pr Gourmelon (il cite son « moment de solitude » avant qu’il réponde), et par Thierry Sarrazin. « Cette indépendance est nécessaire notamment pour pouvoir arrêter des machines ».

Il revient sur les images portales : il explique les modes d’acquisition « low dose » et « high quality », notamment au niveau des doses nécessaires à ces images dans les 2 modes et l’énergie utilisée. Il explique ensuite que le passage au mode « high quality » a été demandé par les radiothérapeutes, sans consultation préalable de Joshua Anah, sans le prévenir, et que c’est ce passage qui a ajouté de la dose supplémentaire. Il ajoute que la non prise en compte des doses images portales résulte d’une absence de consensus à l’époque (il se réfère au rapport de P. Bey et JC Rosenwald). Il développe en mentionnant les préconisations de l’ASN en 2007 à ce sujet (il insiste bien sur cette date). Il lit un rapport de l’ASN de 2007 à ce sujet… qui évoque notamment la difficulté technique de prendre en compte ces doses. Il précise qu’en 2008, l’ASN souligne que la majorité des centres a seulement engagé une réflexion sur la soustraction des doses dues aux images portales. L’avocat insiste encore sur la difficulté de tenir compte de la dose étant donné les logiciels dont Joshua Anah disposait, il détaille cette explication pour finir par déclarer qu’un centre lui avait remonté qu’à 5, il leur serait très difficile de tenir compte de la dose exacte des images portales dans la planification des traitements. Il précise les niveaux de dose des IP à l’époque des faits à Epinal : 2.5 à 3Gy estimé par Joshua Anah, jugés comme négligeable. Il dit qu’en 2008, on n’est toujours pas d’accord. Il en conclue donc qu’on ne peut pas condamner Joshua Anah, car pas de consensus existant à l’époque, donc pas de pratique moyenne… Il parle aussi du risque de sous-dosage : « on ne soigne pas » (il le fait pour dire que si on avait trop soustrait, on aurait sous-dosé).

L’avocat exprime que sur une « action indirecte » (c’est une référence au droit, à la jurisprudence), il faudrait prendre en compte la « conscience de Joshua Anah vis-à-vis de la non prise en compte de ces doses de matching, il ne savait pas, donc ne peut être poursuivi ».

Sur les déclarations, Joshua Anah admet qu’il aurait fallu le dire à l’ASN en 2006, mais qu’il ne l’a pas fait pour ne pas contredire les radiothérapeutes. Il dit que « ce n’est pas de la non-assistance à personne en danger car Joshua Anah ne pouvait savoir les dégâts… il n’est pas médecin, ne connait pas les patients concernés, n’a pas prononcé de serment d’Hippocrate… ». Joshua Anah « ne pouvait avoir conscience du péril des patients de la cohorte 1 ». « Pour Monsieur Bazin, comme tout le monde, il ignorait qu’il n’allait pas bien ».

« Joshua Anah ne pouvait, pour les images portale, savoir les conséquences médicales d’un surdosage de 7 à 8% ». L’avocat rappelle qu’à 7 ou 8%, la majorité des centres le règlent en interne, sans déclarer.

L’avocat de Joshua Anah conclue : « Que retenir ? »

Oui, il y a eu erreur pour les filtres dynamiques, mais pas de faute caractérisée. « Il ne pouvait pas ne pas faire d’erreur, doit-on lui reprocher de ne pas avoir démissionné, de ne pas avoir cru en la mise en application de la circulaire de 2002 ?... ». Il évoque, pour étayer, le manque de physiciens médicaux sur le marché, la fermeture de GAP et Guéret en 2009 pour ces raisons.

Sur les images portales et les matching, c’est un acte médical, avec des doses additionnelles dont il ignorait les dégâts.

Sur les preuves avancées sur la dissimulation : « … ne pas tomber dans le piège des a priori, ces informations étaient présentent dans les fiches de traitement ».

« Si joshua Anah est resté en France, c’est qu’on avait besoin de lui ». L’avocat rappelle que le tribunal n’a pas toujours été très correct avec lui en l’appelant à la barre durant les audiences. Il dit aussi qu’une physicienne présente dans la salle lui a remonté, ayant été  choquée, la différence de traitement durant le réquisitoire du ministère public : « monsieur » pour les radiothérapeutes, juste « Anah » pour le physicien.  « C’est limite » reproche l’avocat au tribunal et aux procureurs, et ajoute  ironiquement « ce ne peut être que des malentendus ».

 

La troisième  plaidoirie est faite par l’avocat de Monsieur Aubertel :

L’avocat débute en soulignant les « écrasantes réquisitions » selon lui. Monsieur Aubertel n’est pas très expressif, il parle peu. « Cela cache un homme rongé par le sentiment d’avoir failli ». L’avocat rappelle sa venue à la barre, « spontanément, pour s’adresser aux patients ».

Il plaide une relaxe partielle. L’avocat demande la relaxe pour 2 chefs d’accusation, et s’en remet au tribunal pour le reste.

L’avocat juge les propos des parties civiles « outrageuses », évoque le mot « radiothérapute » qui aurait été employé, et s’en prend aux charges et propos des procureurs : … « Sauver leur peau »… « Pression sur les manipulateurs »…

L’avocat va employer plusieurs citations, il dit clairement que sa plaidoirie en comportera beaucoup.

Le centre hospitalier d’Epinal est le seul des Vosges, l’un des premiers à avoir mis en œuvre l’IMRT… « Il a été dit que ce service formait » (il parle de former des gens de l’extérieur), que « c’était un état dans l’état, mais  cela est applicable à l’ensemble des services de l’hôpital ».

Sur l’isolement du service, l’avocat précise que c’est d’abord un isolement géographique, dans un nouveau bâtiment accolé à une extrémité de l’hôpital, d’où son propre accueil et ses propres archives afin de faciliter son fonctionnement, son accès… « 0.8ETP de physicien médical a contribué à cet isolement ».

L’avocat dit que les radiothérapeutes ne disposaient pas de mesure disciplinaire sur le physicien, ces mesures dépendant de la direction.

Il était nécessaire d’adjoindre un second physicien médical à Joshua Anah (il se base sur le rapport de P. Bey et JC Rosenwald). Il dit que dès 1994, il était recommandé de ne pas avoir un seul physicien médical, et que cela sera confirmé en 2001. Le 30 mai 2005, un courrier du Dr Aubertel fait état de la nécessité d’un second poste de physicien et d’une demande de logiciel.

L’avocat cite le rapport d’audit, à la demande du Dr Aubertel, effectué par Thierry Sarrazin, Alain Noël et Ph. Maingon. Ce rapport fait état de la nécessité d’un second poste de physicien… Lors de l’audience du 8 octobre 2012, l’avocat cite le témoignage de Thierry Sarrazin : « un seul physicien pour le nombre de patients traités était insuffisant, même une faute ». Si on l’accuse de « corporatisme », le Pr Gourmelon a dit qu’il n’y aurait pas eu Epinal 1, ni peut-être Epinal 2 et 3 avec un second physicien. L’avocat en déduit que c’est donc la conséquence d’absence de moyens humain, dont l’attention avait été attirée par les chefs de service successifs et la directrice.

Le technicien de la Société Varian, Monsieur Bourgeois, a dit aux enquêteurs : « seul un logiciel entre CADPLAN et l’accélérateur aurait pu éviter l’erreur », donc pas le logiciel maison. Les médecins se plaignaient du système informatique, et en avait réclamé un autre. La direction, en n’accédant pas à la demande des 2 radiothérapeutes, d’un second physicien médical plus d’un nouveau logiciel, n’a pas permis de mettre les lignes de défense.

Sur les carences en termes de communication entre radiothérapeutes et manipulateurs, l’avocat affirme qu’il n’y a pas d’éléments pour cela dans le dossier. Les réunions du matin étaient l’occasion d’échanges. « Le Dr Sztermer, selon 3 manipulatrices, était disponible pour les patients » (l’avocat lit quelques lignes de leur témoignage). « Il est donc difficile de dire que les radiothérapeutes auraient été sourds aux inquiétudes des manipulatrices si elles les avaient exprimé, ni même de dire qu’ils les auraient discrédité ».

Sur le passage aux filtres dynamiques, l’avocat insiste sur le terme « évoqué » (« juste évoqué ») aux réunions du matin. Cela a été fait pendant l’unique semaine de congés du Dr Aubertel (il insiste bien qu’il sur le fait qu’il n’a pas été absent longtemps, juste 1 semaine), et dit « on profite de cette semaine pour le faire ». Une manipulatrice a déclaré « cela a été évoqué, il n’était pas très pour… il a été mis devant les faits accomplis ». Un autre manipulateur a dit « Mr Aubertel n’était pas chaud », un troisième a dit « il a demandé à son retour si la technique était sûre ». Cela a été confirmé lors de la confrontation en 2009 entre Joshua Anah, « l’homme de l’art, et personne compétente en radioprotection », et les radiothérapeutes. « Comment, lorsque l’homme de l’art s’exprime, mettre en doute son bienfondé ». « Joshua Anah n’a pas fait part aux médecins de ses difficultés de mettre en place les lignes de défense ».

L’avocat conclue qu’il faut « écarter les responsabilités pénales de Monsieur Aubertel pour le passage aux filtres dynamiques ».

Pour l’escalade de dose, l’avocat expose qu’il y a seulement 4 patients avec des dose prescrites à plus de 74 Gy, et les cite (il doit a priori uniquement parler de 4 patients sur les 24, pas de 4 patients seulement parmi tous ceux traités à Jean Monnet). C’est l’erreur de paramétrage d’abord, puis l’escalade de dose ensuite qui a fait les dégâts, « c’est le ministère public qui l’a souligné ». Sur les consensus de prescription exposé par les experts, l’avocat cite : « cette escalade était permise dans le cadre d’essais thérapeutiques avec un contrôle de qualité, des procédures, des moyens humains et une information préalable aux patients ». Il déclare alors : « le consensus n’existait pas, c’était uniquement celui du Pr Bey et de Véronique Beckendorf ». « Il n’y avait donc pas de consensus, loin de là ».

Il revient sur le rapport du Pr Gourmelon et le cite : « concernant la RCT3D, il n’y avait pas de consensus de sa réalisation et de son contrôle ».  « Il a fait une enquête sur 5 centres pour s’y appuyer ». L’avocat déclare alors « c’est pourquoi l’IRSN a voulu, ou souhaité, une réunion de consensus pour le guide des tumeurs ». L’avocat précise ce tableau du Pr Gourmelon, en disant que ces 5 centres ont fait des escalades de dose à plus de 74 Gy, avec des matching à fréquence diverse ». Il en conclue que « seul 80Gy ne devait pas être dépassé, sauf pour l’IMRT, donc les pratiques d’Epinal n’étaient pas aberrantes, sauf qu’ils ne faisaient pas partie des centres de recherche ».

L’avocat demande donc la relaxe des 2 radiothérapeutes du chef d’homicide et de blessures involontaires.

Il passe alors à « l’omission de porter secours » :

Pour les traitements des rectites les plus graves à Epinal, il fallait agir « vite et fort » selon les experts de l’IGAS, qui écrivaient que malheureusement ce n’est qu’un an plus tard que les institutions ont bougé, avec greffes de cellules souches. Le Pr Gourmelon l’a dit : « pas de traitement conventionnel  pour des lésions aussi graves », « les effets bénéfiques n’ont été que transitoires ». Pour les moins touchés, pas de traitement curatif ou palliatif non plus.

L’avocat cite la jurisprudence sur « les nécessités d’intervention immédiate »…

A propos de l’absence de suivi, « les radiothérapeutes n’assuraient pas de suivi selon l’ordonnance de renvoi… », et il lit d’autres passages de cette ordonnance (« dépistage lié à … »). L’avocat dit que cette notion « d’absence de suivi est contraire à la cupidité des radiothérapeutes qui a été avancée, puisque les consultations sont rémunérées ». Il précise que les rendez-vous avec les urologues et médecins traitants étaient pris après la fin du traitement. « Il y avait un suivi, dans l’esprit des radiothérapeutes, par les médecins qui leur envoyaient les patients » déclare l’avocat.

Pour la consultation de surveillance à 2 mois, parmi les 23 victimes, elles ont toute développé des complications à plus de 6 mois. Il en conclue que « le suivi n’aurait pas permis de déceler les symptômes et de prendre conscience de l’accident de surdosage ».

« Les radiothérapeutes ont été informés très tard des complications », et il précise que la prise de conscience s’est faite durant l’été 2005. Le Dr Aubertel en prend conscience avec le cas de Monsieur Laruelle en juillet 2005, et cite des courriers précédents qui précisaient (en octobre 2004) que tout allait bien pour lui. En mai 2006, un gastro-entérologue écrit au médecin traitant à propos des symptômes de rectite radique. En avril 2006, adressé au Pr Bigard, ce dernier avoue être dans une impasse. En mai 2006, une colostomie est programmée… Il revient en juin 2005, où le patient est adressé au Pr Bigard pour un traitement par Laser… jusque-là, pas de courrier adressé au Dr Aubertel, ce n’est que le 27 juillet 2005 que le Dr Aubertel aura un double du courrier.

L’avocat en conclue que ni le Dr Aubertel, ni le Dr Sztermer, ne sont informés des symptômes de Monsieur Laruelle, ni de ceux des autres victimes.

Pour le dossier de Monsieur Laruelle, le Dr Aubertel demande à F. Carbillet, remplaçante de Joshua Anah pendant ses congés, de vérifier el dossier, « donc il a réagi, elle n’a rien trouvé ». « Une manipulatrice se souvient également de cette demande de vérification, et elle confirme que F. Carbillet n’a rien vu ».

L’avocat en conclue que le dossier de Monsieur Laruelle ne présentait pas d’anomalie apparente, « d’où les propos vifs entre le Dr Aubertel et le Pr Bigard ».

Pour Monsieur Constant, le Dr Aubertel demande à Joshua Anah de vérifier. L’erreur est remarquée, des recherches s’enclenchent, 22 dossiers sont identifiés, et la direction est informée en septembre 2005. Pour 4 patients concernés, ablation possible du rectum, rappel des patients… l’avocat rappelle la « lettre d’appel au secours de Mme Cappelli aux instances ». « Le processus déclaratif a donc été déclenché, car les radiothérapeutes l’ont précisément alerté, les déclarations étaient très claires, pas ambigües » dit l’avocat.

« L’absence d’information est-elle constitutive d’une omission de porter secours ? » demande l’avocat. Pour l’alerte administrative, il précise le flou entre les tutelles, d’où la nécessité d’un guichet unique. Il précise aussi que Monsieur Aubertel n’était pas détenteur de l’autorisation à l’époque des faits. « A quelle autorité déclarer ? Le ministère ? L’autorité ? Les deux ? » pose l’avocat. Il poursuit : « en 2006 à l’ASN ou bien le représentant de l’état dans le département ? » (il parle du préfet, cela avait été légèrement évoqué durant le procès). « Les textes étaient trop imprécis avant 2006, d’où leur modification ultérieure » dit l’avocat. Il s’appuie sur plusieurs témoignages, et en conclue que « l’article ne définit pas l’autorité administrative à qui déclarer, donc il est inapplicable ». Il précise en outre que la déclaration à l’AFSSAPS a été écartée pendant l’instruction, « à juste titre », puisque l’AFSSAPS est concernées uniquement par des défaillances matérielles.

Le 19 juillet 2006, lors de la seconde inspection de l’ASN, les radiothérapeutes informent les inspecteurs. L’avocat revient sur l’inspection de mai 2006… « Y avait-il péril immédiat, Mme Cappelli ayant écrit en septembre 2005 ? ».

L’avocat évoque la réunion à la DDASS. 16 malades ne seront pas informés, comme le prévoient les textes. Le Dr Aubertel pensait que seuls les patients avec complication devaient être informés, car pour les autres cela aurait pu avoir un effet néfaste, Mme Cappelli était d’accord. A propos du délai de 15 jours pour déclarer, l’avocat déclare : « les radiothérapeutes ne sont pas les seuls à supporter cette obligation ». Sur les 16 patients non informés, l’avocat reconnait qu’ « ils ont jugé à tort ».

Il reconnait que le Dr Aubertel n’a pas donné assez d’information aux médecins traitants, et fait allusion à son allocution à la barre envers les patients victimes. Ni le Dr Aubertel, ni son conseil, ne peuvent et ne veulent plaider la relaxe sur ce point.

A propos des matching, le Dr Aubertel « n’a pas sonné l’alarme, estimant que ces doses n’étaient pas de nature à avoir des effets dommageables, en tous cas pas comme la cohorte 1 ». 27 patients avec des rectites modérées, dont seulement 6 avec nécessité de suivi rapproché, précise l’avocat.

Sur les « destructions de preuves », l’avocat précise que « c’est joshua Anah, seul, qui a procédé à ces retraits des feuilles de matching », et évoque le témoignage de Joshua Anah où il le reconnait. « On ne comprend donc pas que le Dr Aubertel soit chargé de destruction de preuves » dit l’avocat. Il précise également que Joshua Anah et les Dr Aubertel et Sztermer se contredisent sur le fait que les radiothérapeutes auraient donné l’ordre de le faire.

Sur la dose additionnelle des images portales et des matching, l’avocat précise que Joshua Anah a dit que des doses étaient « insignifiantes, négligeables », et que cela a été confirmé par les témoignages.

L’avocat demande donc la relaxe au sujet des destructions de preuves.

Il conclue : « les radiothérapeutes sont des personnes qui ont consacré leur vie professionnelle à soulager et à soigner. Le Dr Aubertel a reconnu avoir failli, et il revient au tribunal de dire si cela relève du pénal ». Il ajoute : « Est-il normal de demander 4 ans de détention alors que Mme Cappelli est relaxée, car si elle a bien agit, c’est grâce aux radiothérapeutes, alors que le ministère public a montré la responsabilité du physicien ? Est-ce conforme à la justice ? ».

«  Le Dr Aubertel ne vient pas quêter, mais demande justice pour lui et les victimes ».

 

Le Président du tribunal suspend l’audience à 17h20. Elle reprend à 17h40 environ.

 

Il ne reste plus qu’à la défense du Dr Sztermer de s’exprimer. Celle-ci se fera successivement par la plaidoirie de ses 2 avocats, qui dureront au total plus de 2 heures.

 

La quatrième  plaidoirie est faite par Me Martin Reynaud, avocat du Dr Sztermer :

« Ni la souffrance des victimes, … ni votre décision auront de prise sur le constat : il y aura un avant et un après Epinal ». « L’accident d’Epinal aura rompu le silence ». Il cite les déclarations de Jean-Luc Godet, directeur de l’ASN-DIS : « Epinal aura été un coup de tonnerre »… « a aidé à faire bouger les choses »… les choses avait besoin de changer dit-il, l’IRSN l’a dit, a dit qu’il y avait un besoin, et qu’il y avait « besoin d’une culture de sûreté ». Il évoque le rapport de l’IRSN de 2011, « Les professionnels de la radiothérapie face à l’obligation d’améliorer la sécurité des traitements ».

L’avocat cite d’autres rapports (« Développer l’assurance qualité en radiothérapie »)… « On a développé un minimum d’écrits et de traçabilité suite à Epinal ». Il fait référence aux 32 mesures de Mme Bachelot, et s’attache tout particulièrement aux 3 premières, « qui n’existaient pas avant » : Publier un référentiel d’assurance qualité en radiothérapie de type ISO 9000, Elaborer, diffuser et évaluer l’implémentation des critères d’agrément en radiothérapie, y compris la dosimétrie in vivo… et évoques les guides des tumeurs et celui des bonnes pratiques en physique médicale.

« Il y avait donc des carences en radiothérapie avant, y compris face à un accident », et il se réfère au témoignage de Thierry Sarrazin. Il insiste sur ce dernier point, et demande au tribunal de faire l’immense effort pour revenir en arrière et « se plonger dans le contexte, pour aller en 2004, 2005… ». « La grille de lecture actuelle provient de tout cela, et on l’applique au Dr Sztermer : il fallait procéder selon cette grille appliquée à posteriori », et cite de nouveau le témoignage de Thierry Sarrazin.

Il cite les précédents avocats, sur l’était de l’art de la radiothérapie. Il dit que le Dr Sztermer « ne se cachera pas derrière cela ». Il dit : « il faut prendre l’existence de ces carences pour me juger ».

« Les délits non intentionnel, homicide et blessures involontaires, c’est le cœur du problème, c’est cela le procès d’Epinal. S’il n’y a pas cela, il n’y a pas de procès. Le reste n’est que conséquences ».

L’avocat avoue « ne pas comprendre, ou plutôt trop bien comprendre : depuis le départ, il n’y a pas de faute pénale contre le Dr Sztermer. Une faute pénale, ce n’est pas des conséquences »… il développe en s’appuyant sur du droit et déclare que le tribunal n’est pas compétent pour juger (puisque pas de faute pénale), en déclare « vous n’êtes pas compétents »… Le parquet aurait du demander la relaxe, « et il n’y a pas d’autre lecture possible, sur le chef d’accusation de blessures et homicides involontaires ».

Il évoque l’escalade de dose, le changement de filtres en coins, etc.

« Une faute caractérisée, c’est une faute évidente, grave… dues aux moyens » (c'est-à-dire en prenant en compte les moyens disponibles). Il s’appuie de nouveau sur des points de droit.

Il parle des rôles de chacun, même s’il n’y avait pas de texte. Il charge le physicien médical (en utilisant les rapports de Jean-Claude Rosenwald, celui de l’IGAS avec les propos de Mr Wack) avec les témoignages qui ont dit « qui d’autre que lui pouvait le faire ? ». Sur les compétences, l’avocat déclare que « le radiothérapeute n’a pas les compétences en physique, ne connait pas ce qu’il faut faire sur CADPLAN ? Donc il délègue, avec la confiance indispensable : c’est le physicien médical qui peut soigner ou brûler ». Il fait le parallèle avec l’anesthésiste, qui vérifie ses actes d’anesthésie en toute autonomie, qui maîtrise son domaine.

« Le Dr Stzermer avait raison de faire confiance, Joshua Anah ayant fait l’IMRT avec succès, étant reconnu comme un bon physicien. Joshua Anah a travaillé, jamais avec les bons moyens, mais il l’a fait ».

Il revient sur la problématique des lieux (évoqués en début d’audience), et dit que le Dr Sztermer a fait des choses sur l’identito vigilance, par REX (il évoque les photos des patients mises dans les dossiers, sur son initiative). Sur les moyens dont il disposait, l’avocat précise qu’ « il ne pouvait pas faire mieux ».

« Il est faux de dire qu’ils avaient conscience du risque. Le risque est partout, diffus, pas avéré, mais existe ». Il dit qu’il y a eu de gros dégâts, pour une petite erreur de cause. Il dit qu’en chirurgie, on a enlevé plusieurs fois des mauvaises jambes. Il en déduit qu’en absence de risque identifié, il n’y a « pas de faute caractérisée ».

Sur l’augmentation des doses, il la justifie, « car on pense que c’est mieux ». L’avocat dit qu’il n’aime pas le terme « escalade de dose ». Il cite le CSP, où est inscrit que le médecin doit bien soigner son patient, « il le fait avec le choix de la dose qu’il prescrit ».

L’avocat donne des exemples du droit du travail, avec des textes précis, « alors que l’instruction s’est attaqué à 3 textes du CSP les plus généraux ». En radiothérapie, « aucun texte, donc pas de délit intentionnel ».

« Y a-t-il faute ? Y avait-il un risque ? Qu’est-ce qu’il fallait faire ou ne pas faire ? ». L’avocat n’est pas d’accord avec les rapports des experts, car ces experts étaient en charge des essais sur l’escalade de dose, « donc P. Bey était partial, quelqu’un d’autre aurait été plus objectif, plus juste ». « Il y a plein d’articles dans le monde qui disent que 78Gy est bon, donc pas dangereux ». « Il est faux de dire qu’il n’existait pas de recommandations ANAES… ». « Toutes les recommandations disaient OK pour 78Gy ». « Si la dose est bonne en 2009, elle l’était aussi en 2004, il n’y a pas de débat possible ».

« A-t-on poursuivi le Dr Sztermer pour les autres patients à 78Gy qui ne sont pas dans les cohortes ? Non, alors pourquoi dire que c’est une faute car dangereux ? ».

L’avocat évoque des jurisprudences pour démontrer que le tribunal n’est pas compétent, en utilisant le droit, et cela pour toute la procédure. L’avocat démontre que les préjudices sont liés à la sur-irradiation, pas à la mise en danger d’autrui. L’avocat dispose visiblement de beaucoup de pièces, pour démontrer que dans beaucoup de cas, « les victimes ne sont pas tant que cela victime ».

Il revient sur les fautes intentionnelles (dissimulations, non-assistance…) : il dit que c’est un mélange, car fautes civiles non intentionnelles (ici, on est au pénal, cf. le passage sur la non compétence du tribunal, donc il continue sa démonstration). « On reproche au Dr Sztermer de s’être planqué : c’est une lecture à posteriori qui ajoute du malheur au malheur ». Il dit que le Dr a dédié sa carrière à soigner le cancer. Il insiste pour dire que c’est une vision à posteriori : ils ne sont pas restés isolés, pas coupés du monde, « est-on sûr que ce n’est pas le monde qui s’est coupé d’eux ? ». Il évoque pour cela les courriers, les alertes à l’ARH, ASN… « Qui ne sont pas intervenu »… « Il faut choisir » dit-il.

Cette idée de « planque » est basée sur le postulat erroné « dès qu’ils ont su, ils se sont caché ». Il l’illustre avec quelques exemples : échanges entre médecins, le Dr Sztermer qui dit à un correspondant que « c’est une catastrophe », etc. L’avocat dit qu’il n’y a pas plus fort comme terme, « catastrophe », donc il n’a pas voulu se cacher. Il parle aussi de « l’alerte du 15 septembre 2005 », pour dire qu’une alerte est le contraire de « se cacher ». Il fait le parallèle avec le feu et les pompiers : quand on appelle les pompiers, on ne sait pas jusqu’où leur intervention va aller, elle peut être forte ou banale. Il dit que le Dr Sztermer l‘a fait, « preuve qu’il ne voulait pas se cacher ». Le Dr Sztermer ne savait pas de l’ASN et l’IRSN ne seraient pas prévenus ».

« Tout cela est une vision à posteriori » (il répète cela tout le temps), et répète qu’il faut se replonger à l’époque. Il n’a pas été mis en examen pour la dissimulation des feuilles de matching. « L’auteur d’un délit ne peut pas être l’auteur de la dissimulation ». « C’est Joshua Anah qui a enlevé les feuilles, selon ordre ou pas des radiothérapeutes ». Si le Dr Sztermer avait l’intention de dissimuler, « pourquoi ne l’a-t-il pas fait lui-même ? », « Ca ne tient pas » dit l’avocat.

L’avocat déclare que le tribunal ne peut pas faire autrement que de prononcer la relaxe pour les dissimulations de preuve.

Sur la non-assistance à personne en danger, l’avocat utilise des points de droit, et mentionne le mot « en l’espèce » qui a été utilisé (ce mot a visiblement une signification dans le jargon du droit). A propos de toutes les omissions, l’avocat précise qu’il n’y a « que des omissions ».

L’avocat demande que la décision qui fera jurisprudence soit prise par le tribunal.

« Dans la loi, on ne peut définir toutes les omissions », il dit que la liste est trop grande. Il demande de prendre ce délit avec toute la délicatesse qui lui correspond. Il précise que seule l’action face à un péril immédiat est décrite dans le droit. L’avocat lit des articles de loi, mais selon lui cela concerne « le refus d’assistance et de secours, alors que là, c’est une abstention d’intervention de la part du Dr Sztermer ».

L’avocat dit que l’on est aveuglé par toutes les omissions reprochées, sans dire tout ce que le Dr Sztermer a fait. L’avocat nie fortement le manque de suivi. Pour Monsieur Levrey, et d’autres patients, il répète qu’il n’est pas vrai que le Dr Sztermer ne les a pas vus. Il fustige les propos de Mme Lalande lorsqu’elle parlait de « négation de la médecine », alors que le Dr Sztermer a agit. Il fustige Me Welzer sur ses propos au sujet du « corporatisme des commissions médicales », et décrit pour illustrer le contenu de ces commissions. Il dit que le Dr Sztermer a été le plus consciencieux (et se réfère aux propos de Mme Lalande qui l’avait dit), et se différencie du Dr Aubertel. L’avocat insiste : « le rapport de l’IGAS est très clair sur ce point ».

« Pas de suivi est une idée reçue » dit l’avocat. Il démontre qu’il y avait un suivi, en commençant par les internes du Dr Peiffert notamment, les secrétaires en témoignent.

Il y a 6 patients du Dr Sztermer dans la cohorte 1, dont Monsieur Constant suivi en libéral à la Ligne Bleue. « Le Dr Sztermer est allé plusieurs fois chez lui ». Monsieur Masson, mort en 2005 (donc…). Pour les 4 autres, l’avocat met en doute que les dossiers aient été lus par le parquet et le tribunal, il le dit ouvertement, et distribue les photocopies : Messieurs Lecomte, Levrey, Vouriot et Lambert.

Pour Monsieur Lecomte, le Dr Sztermer le revoit le 20 octobre 2005 (suite à la lettre du 5 octobre). L’avocat procède à la lecture des soins donnés, en se retournant vers les procureurs sur fond de reproche, en précisant que les 2 procureurs avaient dénié ces soins (dont la fameuse hydrocortisone dont l’avocat donne le nom précis en demandant aux procureurs si jamais elles savent ce que c’est).

Pour Monsieur Levrey, le Dr Sztermer le reçoit le 14 octobre 2005. Il passe un examen clinique… et de même, l’avocat cite la lettre envoyée au médecin traitant et il donne la liste des consultations (avec dates et lieux précis), partout où le patient a eu des consultations (Nancy, Ligne Bleue…).

Pour Monsieur Vouriot, il était en bon état général, puis ensuite le Dr Sztermer constate une aggravation au fur et à mesure, l’envoie au Dr Maire pour passer une endoscopie… de même, il donne tous les détails (consultations, traitements…).

Le cas de Monsieur Lambert est très particulier. « Il est faux de d’avoir dit qu’il n’a pas été revu par un radiothérapeute ». Il a eu la chance d’avoir eu moins de complications que les autres, mais cite tout de même, comme pour Monsieur Lecomte, tous les traitements qu’il a eu (et il recommence entre autres avec l’hydrocortisone sur un ton de reproche aux procureurs). Il précise que c’est le seul patient du Dr Sztermer qui a eu moins de 3 mois d’interruption temporaire de travail.

L’avocat conclue donc que parmi ceux des patients du Dr Sztermer qui ont eu des troubles, il les a revu, information donnée ou pas.

« Le Dr Sztermer a raison de s’orgueillir de la façon dont Monsieur Lambert a été suivi et soigné ».

Il résume donc : « 6 patients, 6 de trop » tous suivis à la clinique de la Ligne Bleue, tous revus et soignés, « donc le Dr Sztermer est intervenu, a agit. Ici, on dénature le délit de non-assistance, cela ne colle pas ».

« En quoi ne pas informer les patients et le médecin traitant est une non-assistance à personne en péril ? Le péril, c’est qu’ils aient été irradiés. Il n’est pas inscrit dans le CSP que dépasser 15 jours  de délai pour informer est une non-assistance ».

L’avocat va plus loin dans sa démonstration, et dénonce que l’Etat alerté en juillet 2006 n’a informé les patients que 3 mois après en leur écrivant. « S’il y avait péril imminent, il est impossible que l’Etat n’ait pas agit dans les 15 jours ».

L’avocat évoque les biopsies. Un seul patient du Dr Sztermer, Monsieur Levrey, a eu des biopsies. Elles ont été faites par les associés du Dr Maire, alors que le Dr Maire était aux faits, et savait que c’était risqué. Il a donc eu l’information et a pris consciemment le risque.

L’avocat insiste de nouveau sur le fait que le Dr Sztermer ne raisonne pas en termes « d’informations » mais « en soins », « et il les a donné ». Il fustige de nouveau l’ordonnance de renvoi, les divers rapports… Il démontre encore que les patients du Sztermer ont reçu les soins « non conventionnels, hors greffes de cellules souches » et il cite encore ces traitements. L’avocat déclare qu’il en veut à l’IGAS, et précise que toutes ces pièces sont au dossier.

L’avocat fait une citation sur les « fautes pénales, relevées comme telles après des écrits après coup »….

Donc, pour la cohorte 1, l’avocat déclare que le Dr Sztermer n’a rien fait.

Pour la cohorte 2, c’est l’inverse (il veut dire que son client a été actif en demandant ces matching), puis ensuite, il a agit lorsqu’il a eu la liste des patients. Pour l’avocat, c’est pareil, on ne retrouve pas ce fameux péril imminent à propos du délit de non-assistance. Il dit, « c’est à cause de cela que ça n’a pas marché pour le sang contaminé ». « Il a été dit que les complications venaient longtemps après, qu’elles étaient graves et irréversibles, donc c’est incompatible avec un péril immédiat ».

Le Dr Sztermer reçoit les patients de la liste donnée par l’IGAS, même s’ils ont été traités il y a longtemps et qu’il n’y avait plus de suivi à faire. Le Dr Sztermer en a revu d’autres, hors liste, « preuve de sa réaction, de ses investigations. Il s’est donné les moyens de vérifier l’absence de péril ». L’avocat ajoute : « il n’y avait pas de péril imminent nécessitant une action immédiate ».

Le Dr Sztermer a repris 181 dossiers, il n’y avait pour lui pas de péril, mais l’ARH a dit que les grades étaient compris entre 0 et 3, donc « pas de danger immédiat ». L’ARH disait cela lorsqu’elle ignorait l’accident précise-t-il.

L’avocat démontre que dans l’enquête de l’IRSN, beaucoup de patients avaient des grades 1 à 2, parfois 3. « Qu’ont-ils fait ? Une information par courrier aux patients, en 2007 ! » ironise l’avocat, pour illustrer l’absence de péril. Il démontre que les institutions ont proposé des consultations, « malgré leurs moyens énormes », « seulement plusieurs mois plus tard » (il ironise de nouveau). Pour l’avocat, cela illustre encore l’absence de péril. Il va préciser les traitements prescrits lors de ces consultations : régime alimentaire, fer, mousse cortisone… « Rien en rapport avec ce qui pourrait correspondre à un péril ».

L’avocat reproche une nouvelle fois au parquet de ne pas avoir lu les dossiers des patients, et re-démontre que beaucoup de patients ont eu des soins, « soins réclamés par le parquet », « bien avant la découverte des accidents ». Il en cite de nouveau beaucoup.

L’avocat conclue qu’on ne peut pas poursuivre le Dr Sztermer pour non-assistance à personne en danger. Il répète que ce délit ne colle pas avec le monde médical. « Le Dr Sztermer se reproche des fautes, pas des fautes pénales. Sa plus grande peine est qu’on l’a appelé Monsieur ou Jean-François Sztermer et non pas Docteur »

L’avocat demande la relaxe du Dr Sztermer. Il précise que la relaxe ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de souffrance (il dit cela en regardant les victimes droit dans les yeux), mais qu’ici on juge le droit, même si c’est dur  pour les victimes.

Notons que les juges ont pris beaucoup de notes durant cette plaidoirie, bien plus que pour les précédentes.

 

La dernière plaidoirie est faite par Me Hervé Témime, avocat du Dr Sztermer, qui prend la suite de son jeune collaborateur :

 « Un jugement, c’est seulement l’application de la loi, c’est parfois dur pour les victimes ». Il évoque l’affaire du Mont St-Odile, pour laquelle il a défendu l’association des victimes et où il y a eu relaxe pénale au bout de 14 ans de procédures, seule la responsabilité civile du constructeur de l’avion ayant été mise en évidence.

L’avocat dit que la loi doit être appliquée, même si dans son jugement le tribunal ne pourra s’empêcher de penser aux victimes.

Il évoque les « serments », et lorsqu’on exerce une profession avec serment, « comment ne pas s’intéresser à l’homme ». L’avocat se déclare d’une nature pessimiste, et pourtant il dit qu’ « il n’avait anticipé le réquisitoire ».

L’avocat fustige les pouvoirs publics, dit qu’ « ils ont une grande responsabilité », et qu’ « ils ont été mis hors de cause dès le départ.

« Qu’est-ce qui peut mériter une telle sévérité ? » dit-il, et il démontre avec grande méthodologie que le Dr Sztermer n’a « rien à se reprocher ». Il emploie le mot « misérable » envers Me Welzer (en le regardant droit dans les yeux) lorsqu’il a qualifié les attestations des confrères des radiothérapeutes de « corporatistes ». Il ajoute : « vous savez que le Dr Sztermer était estimé de ses pairs ! » (Il s’exclame fort).

L’avocat évoque tous les courriers témoignant de l’estime de ses pairs et des patients, « homme plein d’humanité, qui a été meurtri ». « En dehors de l’application de l’application du droit, ne croyez-vous pas que le pire ce n’est pas d’être déclaré responsable de ce drame ? ». Il ajoute, « il la porte en lui », puis déclare « responsable mais pas coupable est une déclaration stupide ».

Le Dr Sztermer a été médecin dans le service public, sa femme et sa fille aussi, tous par amour de la médecine, « cela n’est pas violer le serment d’Hippocrate, ni sauver sa peau comme les procureurs l’ont dit ».

L’avocat rappelle les problèmes de santé du Dr Sztermer au moment des faits : 3 semaines en réanimation, 6 semaines d’hospitalisation. « Il se reproche bien sûr de ne pas avoir fait plus, ne se le pardonne pas, il n’a jamais menti ni falsifié » (il insiste beaucoup sur « bien sûr » dans ses propos, à la fois par la fréquence d’utilisation de ce terme mais également par l’intonation lorsqu’il m’emploie). « Il a été incapable de dépasser son propre jugement » précise-t-il.

Il est tombé en profonde dépression, 15 mois en établissement spécialisé, dont 9 mois avec des sorties sous contrôle. Il a tenté par 3 fois de se suicider, sa femme ayant voulu l’aider la troisième fois, mais cela n’a pas fonctionné car son absence à son poste a sonné l’alarme auprès de ses employeurs. L’avocat donne tous ces détails pour souligner « la manière dont le Dr Sztermer a vécu tout cela… »

« Il y a de l’injustice à traiter le Dr Sztermer comme il a été traité ». L’avocat fait appel au courage, « plus grand que celui pour plaider », pour prononcer la relaxe lors du délibéré.

Il dit que l’ordre a été sévère avec les radiothérapeutes (il ironise encore en se retournant vers Me Welzer : « lapsus, pas de la sévérité, du corporatisme »). Il demande au tribunal d’en lire les motivations : c’est exclusivement pour avoir aveuglément suivi le processus d’information issu de la réunion de septembre, sans moyens leurs permettant de le faire avec toute la sécurité de cette information ».

Il évoque de même l’autre commission, où le Dr Aubertel a été muté d’office, et demande à nouveau au tribunal d’examiner les motifs pour son délibéré (il ironise encore sur le « corporatisme », car la décision a été trop dure selon lui). Il souligne tout de même que le Dr Sztermer n’a rien eu avec cette commission (il s’agit du conseil de discipline, en janvier 2008).

L’avocat conclue : « Une chose. Face à une telle catastrophe, un homme digne ne peut que se sentir responsable. Le Dr Sztermer se sent responsable. S’il ne s’est pas exprimé, c’est parce que c’est moi qui a refusé de continuer à l’interroger pendant les audiences sur son comportement avant les faits ». « Etre ici est une position impossible », il parle du banc de l’infamie… « Il a conservé pudeur et retrait ».

« Votre rôle », il s’adresse au tribunal, « c’est l’application de la loi pour votre délibéré ». « C’est moins l’application du droit, que de le considérer comme un être humain, qu’il regrette profondément ce qui s’est passé  sans rien nier ».

 

Le Président demande alors à chacun des prévenus s’ils ont quelque chose à ajouter sur les faits ou le déroulement de ce procès. Ils viennent successivement tous à la barre.

Joshua Anah : « Rien à ajouter »,

Dr Aubertel : « Rien à ajouter »,

Dr Sztermer : « Rien à ajouter »,

Mme Cappelli : « Rien à ajouter »,

Mme Francette Meynard : ses pensées vont aux victimes et leur famille. Les débats l’ont bouleversé déclare-t-elle. Elle avait la conviction que tous les patients seraient informés, suivis et accompagnés.

Mr Jacques Sans : « Rien à ajouter sur le déroulement du procès, mais pensées et émotions en direction des victimes ». Il « regrette très profondément en septembre 2005 de ne pas avoir compris ». Il est « accablé d’avoir été associé à cette catastrophe ». Il « se sent d’une certaine responsabilité de n’avoir pas vu ».

 

Le Président annonce que le délibéré sera lu publiquement le 30 janvier 2013.

 

Fin d’audience, il est 19h50.