L'audience débute à 13h40. Trois équipes de télévision sont présentes devant la salle, peu remplie au niveau du public. A Epinal, la salle est pleine.

 

Ce jour, les deux Procureurs présentent leurs réquisitoires, cela va durer environ trois heures.

Le Ministère public rappelle la souffrance des victimes et de leurs proches et repositionne l’accident d’Epinal (dans sa totalité, pas uniquement les cohortes en jugement actuellement) par rapport aux accidents de Panama, Saragosse et Costa-Rica.

Deux catégories de fautes sont présentées :

-       Erreur de paramétrage concernant les filtres en coins dynamiques et non prise en compte de la dose additionnelle due aux images de matching ayant entrainé 7 décès depuis 2006 et 12 à ce jour. Cette erreur est considérée comme involontaire.

-       Erreurs en aval :

§       Non information ayant entrainé la non prise en charge,

§       Omission de porter secours, manque de suivi spécifique, défaut d’orientation des patients vers des soins adaptés aux sur-irradiations,

§       Absence de signalement aux autorités compétentes

§       Infraction au bon déroulement de l’enquête par destruction de preuve.

Concernant les blessures involontaires, Messieurs Anah, Aubertel et Sztermer sont renvoyés tous les trois, Monsieur Anah comme auteur direct (paramétrage) et Messieurs Aubertel et Sztermer comme auteurs indirects.

Madame la Procureur rappelle la chronologie des faits de la mise en place des filtres en coins dynamiques en rappelant qu’il s’agissait d’une bonne idée, mais que cela a été réalisé sans vérification véritable, ni formation, ni formalisation. Elle met en avant que la formation « au jour le jour » sur le fonctionnement du service de radiothérapie dépend de Monsieur Anah. Les lignes de défense que sont le double calcul d’unité moniteur et la dosimétrie in vivo ont été supprimées au lieu d’être analysées.

En résumé, lui sont reprochées l’erreur de paramétrage, l’absence d’information aux médecins, l’absence de formation aux MERM, l’absence de vérification des acquis.

Concernant le non prise en compte de la dose additionnelle due aux images de matching, l’intention était louable mais la faute est liée à une négligence inadmissible.

Concernant les radiothérapeutes, ils sont poursuivis pour blessures et hominides involontaires car ils ne sont pas assuré de la sécurité de la technique et ont prescrit des doses supérieures aux bonnes pratiques. En tant qu’auteur indirect, les fautes reprochées ne sont ni caractérisées, ni avérées et sont donc non suffisantes pour le renvoi. En effet, la Procureur rappelle que les radiothérapeutes n’ont pas la compétence technique pour s’assurer de la sécurité de la technique. Seule l’absence de suivi est retenue pour absence de porter secours à personne en péril.

Le délit de dissimulation de preuve est requis contre le physicien et les deux radiothérapeutes. Il concerne la sortie du dossier médicale des feuilles de matching, la non déclaration lors de la visite ASN et l’altération d’un dossier de patient. Matériellement, Monsieur Anah est poursuivi pour l’avoir réalisée, les médecins sont poursuivis pour complicité.

Au sujet des radiothérapeutes, concernant le délit d’omission de porter secours, il est défini par une abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril. Leur sont notamment reprochés des dossiers médicaux squelettiques, l’absence de suivi per et au décours de la radiothérapie, l’absence d’information des spécialistes d’organes et des médecins traitants, information qui aurait pu  empêcher des actes contre indiqués et/ou permettre des soins adaptés plus rapidement. Il s’agit d’une faute caractérisée pour messieurs Aubertel et Sztermer. Monsieur Anah s’est abstenu de déclarer ces incidents en conséquence de quoi, il y a aussi omission de porter secours.

Concernant la directrice de l’Hôpital, elle a demandé régulièrement de 2001 à 2006 un deuxième poste de radiophysicien à sa tutelle. Lorsque l’accident lui est signalé, elle prévient sa tutelle et les patients au fur et à mesure qu’elle en obtient les coordonnées, le service de radiothérapie disposant d’une base de données propre ne communiquant pas avec celle de l’hôpital. Concernant la non prise en compte de la dose additionnelle due aux images de matching, elle n’est alors plus directrice de l’hôpital.  Par conséquent la relaxe est demandée pour Madame Cappelli et pour la personne morale représentant l’hôpital.

Concernant Madame Meynard (ancienne directrice de la DDASS), elle a reçu les informations de la directrice de l’hôpital mais a jugé à tort que ce n’était pas à elle de prévenir l’ASN, l’AFFSAPS, elle s’est abstenue en connaissance de cause.

Concernant Monsieur Sans (ancien directeur ARH), malgré l’information reçue, n’a pas eu d’action. Pour avoir prévenu l’ASN 11 mois après  sans se soucier de la prise en charge des patient, pour avoir seulement transmis l’information à son adjointe et ainsi se décharger d’une responsabilité qui était la sienne, tout est réuni contre Mr Sans pour non assistance à personne en péril.

 

Conclusion de la plaidoirie :

« Le seul point positif de ce procès mais à quel prix est le réveil des consciences en radiothérapie. Même si les moyens humains étaient loin d’être optimum à Epinal, même s’il n’y a pas de risque zéro en médecine, ce n’est pas la fatalité qui a généré les sur irradiations. Si les règles élémentaires de prudence avaient été suivies, il n’y aurait pas eu d’erreur. Si les médecins avaient assuré le suivi, avaient réagi pour aider, cela n’aurait pas eu lieu, idem pour les services administratifs.

Sanctions demandées :

Monsieur Anah : pour son manque de conscience professionnelle, pour ne pas avoir agi avec soin et attention, pour ne pas avoir reconnu ses responsabilités mais au contraire avoir voulu les cacher,

Messieurs  Aubertel et Sztermer : pour ne pas avoir tendu la main aux patients et donc ne pas les avoir sauvé,

Madame Meynard  (DDASS) et Monsieur Sans (ARH) : pour ne pas avoir fait leur travail,

Monsieur Anah : 3 ans de détention dont 1 ferme, 30 000 euros d’amende, interdiction d’exercice de la physique médicale,

Messieurs  Aubertel et Sztermer : 4 ans de détention dont 18 mois fermes, 30 000 euros d’amende, interdiction d’exercice professionnel,

Madame Meynard  (DDASS) et Monsieur Sans (ARH): 12 mois de détention avec sursis et 10 000 euros d’amende,

Madame Cappelli : relaxe car elle a assuré les tâches et missions en lien avec sa fonction »

 

Suite à cela, aucun des conseils de la défense ne souhaite plaider ce soir.

 

L'audience se termine vers 16h45.